Vivre à Bali : la communauté Nirvana
A l’époque pré-COVID, Florian allait beaucoup dans l’espace Nirvana Strength, comme d’autres mouvers tels que Amine Berradi, Nicolas Mercadier, Pierre Dufraisse ou encore moi-même. C’était un endroit qui mêlaient entraînements, récupération physique, méditation, on y parlait de régimes carnivores, d’entreprenariat… L’endroit existe toujours depuis la fin du COVID, mais depuis un changement de propriétaire, pour Florian, ce n’est plus pareil.
Depuis, il a trouvé quelque chose similaire dans la Bali Time Chamber de Nicolas De Paoli, que ce dernier nous présente dans cet épisode.
Est-ce qu’il y a en France des communautés de jeunes ambitieux qui ont développé le mindset de se dépasser ?
Florian se sentait isolé quand il a développé son entreprise sur internet en France. Il est très sensible à l’environnement dans lequel il évolue. Comme le sien était sur internet, il ne pouvait pas connaître complètement les personnes avec qui il interagissait. Son envie de connexions réelles et son envie d’avancer dans ses projets l’ont mené à Bali.
Je me demande si ce manque de mindset est plutôt culturel (par rapport à la culture française) ou sociétal (par rapport à une problématique générationnelle). Florian pense que c’est plutôt à cause de l’éducation. Il sent qu’en France, on veut nous mettre dans des cases. Lui l’a senti dans son éducation : il ne se sentait pas dans le bon environnement, c’est pour cela qu’il est parti. De sa passion pour le sport, il est parti dans l’entreprenariat et a continué à avancer. “Il ne faut pas lâcher quand tu aimes quelque chose”.
Dans un épisode spécial France, nous parlions avec Nicolas Mercadier de l’entrepreunariat en France et de ce sentiment de se retrouver facilement isolé puisqu’il est difficile de générer de l’enthousiasme auprès de personnes culturellement cyniques et fatalistes.
Florian a-t-il eu un déclencheur avant de se lancer ? Quel a été son discours interne ?
Par le passé, Florian avait toujours fait confiance au système lorsqu’il était question de son parcours. Puisqu’il aimait le sport, il a suivi une licence STAPS, tout en bossant en usine l’été. Une fois sa licence en main, on lui a dit de retourner à l’usine. Mais en parallèle, il avait envie de faire du coaching en ligne. Or, il gardait cette phrase en tête : “Tu peux être le meilleur coach, si personne te connaît ça sert à rien”. L’idée de se diriger vers Youtube a émergé.
Il finit par trouver du travail en intérim le matin et fait du coaching en ligne l’après-midi. A l’époque alors, il voyait plutôt Youtube comme une vitrine, où il transmettait ce qu’il connaissait.
C’est pendant le COVID qu’il a eu un déclic, alors qu’on lui a demandé de faire un CV vidéo. Cela lui a donné goût au montage. Et puisqu’il était assez critique sur le travail des gens à propos du street workout sur internet, comme Elio ou Eric Flag, il a décidé de se mettre à faire des tutos comme il l’entendait, à partager de la manière qui lui semblait juste. C’est là qu’il a découvert que tout le travail de vidéo, de montagne, d’écriture, est juste colossal ! Il voit désormais tous les créateurs de contenu de manière différente : peu importe ce qu’ils font, au moins ils le font ! “Si tu passes ta vie à regarder et à te dire “ah je pourrais faire mieux”, eh bien fais-le !”
Quelles étaient ses critiques sur l’industrie du street workout ?
Quand il était en STAPS, Florian s’est vu dire qu’il ne faisait pas du vrai sport : il n’y a pas de fédération du street workout, il y a peu de règles, etc. Il a eu du mal à trouver sa place dans le système.
Dans le monde du callisthenics, il y a divers domaines :
- Le freestyle static : faire des figures statiques et des figures d’agilité, en un contre un.
- La branche set and reps (la sienne) : des tractions, des muscle up, des pompes, etc. Florian aimerait organiser des battles, en un contre un, le gagnant étant celui qui terminera le premier.
- Le street lifting : il s’agit de beaucoup de travail de force et d’endurance avec du muscle up lesté, des tractions lestées, etc, mais également des battles lestées !
Là où il était critique, c’était sur la légitimité. Sur internet, celui qui montre, fait-il vraiment ce qu’il filme ? Est-il en compétition ? Pour lui, les tutos étaient aussi toujours les mêmes, notamment sur des mouvements spécifiques.
Mais le Youtube Game dépend aussi beaucoup de son audience. Il faut adapter son discours à des gens qui ne sont pas forcément connectés à la pratique.
Comment Florian trouve-t-il l’équilibre entre honorer son sport et s’adapter à son audience ?
Au début, il essayait de ne pas se prendre la tête : il montre des entraînements et donne des explications. Après avoir passé les 10k, ça s’est professionnalisé. Mais il faut savoir trouver l’équilibre entre apporter de la valeur sans trop tomber dans le jeu de Youtube sur les clics, car on risque de perdre la passion, de perdre le pourquoi qui nous a fait commencer.
Alors au début, il faisait beaucoup de vidéos, “no pain no gain”, mais maintenant il se pose et pense d’abord à un titre et une miniature, puis à la vidéo. Il pense donc stratégie, mais garde un contenu de qualité qu’il adore créer.
Dans son propre domaine, Mike Wrobel nous parle du travail d’artiste-illustrateur sur les réseaux sociaux et la manière de concilier les deux pour ne pas perdre le plaisir de création.
Je me demande alors comment Florian gère les commentaires négatifs. Mais il n’en a pas beaucoup : son business n’est encore qu’à petite échelle, il n’y a que des puristes dans son audience. Pour lui, si la personne a pris 10 minutes de son temps pour visionner ses vidéos, il veut qu’elle en est pour son temps et travaille donc particulièrement la qualité.
Les commentaires négatifs, c’est quand on s’expose à la masse.
Comment Florian gère l’éventualité du côté sombre de Youtube ?
Il y a beaucoup de dépressions sur Youtube. Il nous raconte qu’un homme violoniste, dont les vidéos ne marchaient pas, est devenu obèse en faisant des vidéos où il se filmait en train de manger et en est mort. C’est un danger de vouloir uniquement faire plaisir à son audience : selon le type d’audience, elle voudra nous emmener encore plus loin que ce que l’on fait déjà. C’est un cercle vicieux.
“Avant d’être un Youtubeur, je suis juste un athlète qui fait ma pratique.” Si Youtube prend le pas sur sa pratique, il y a un problème. C’est bien d’avoir de l’audience, mais à quel prix ? Travailler sur Youtube, c’est vouloir être libre. Il faut donc choisir une audience qualitative qui va nous suivre peu importe ce que nous faisons.
Déléguer les tâches : comment Florian s’y prend-t-il ?
C’est l’une des choses les plus difficiles pour lui puisqu’il a voulu tout apprendre tout seul. Il a finalement trouvé un bon équilibre : il fait la vidéo et ses propres découpages, puis il envoie tout, accompagné d’un script avec ce qu’il veut, à quelqu’un d’autre pour le son et le texte. Il a également trouvé quelqu’un qui fait de bonnes miniatures sur Fever. Il souhaite travailler avec des français, des gens qui comprennent son image de marque.
Pour moi, c’est pareil. Je parle de mon équipe composée de français et notamment des gens qui m’ont suivi parce qu’ils résonnent déjà avec ce que je fais. Comme ça, ils comprennent les sujets, le vocabulaire, de quoi ça parle.
Une entreprise à plusieurs, c’est une vraie coopération. “Je veux quelqu’un qui aime ce projet autant que j’aime ce projet.” L’aspect passion est important ! Que ses partenaires soient aussi excités de travailler avec nous, ça nourrit aussi leur créativité et leur innovation. Ça donne du sens dans leur activité professionnelle aussi. L’idéal est de chercher quelqu’un qui a la vibe de l’entrepreneur pour éventuellement le pousser à créer son propre contenu et qu’il ne s’arrête pas à être un exécutant.
Suite à son voyage en Amérique latine, Nicolas Billaud nous parle de son avis sur les modèles entrepreunariauts collaboratifs par rapport à ce qu’il a vu et expérimenté lui-même.
Comment Florian voit-il la notion d’héritage ?
Se pose-t-il la question que, lorsqu’il publie une vidéo, son contenu pourra toujours être visionné pendant des années ?
L’héritage dépend des sujets. L’haltérophilie, c’est vieux, le mouvement a déjà été décortiqué. Le Calisthenics est nouveau, tout est à apprendre, tout est à créer.
Transmettre, c’est bien pour inspirer des gens d’une autre génération et les pousser à se lancer. C’est la même chose pour son équipe : il crée son contenu pour qu’ils se sentent de créer un jour le leur.
Nous parlons ensuite des podcasts qui sont, pour nous, ce qui a le plus de valeur et donne le plus de proximité avec la personne. Youtube a cet aspect là aussi, contrairement à Instagram ou Tiktok où il est difficile de voir ce qu’il y a derrière.
Qu’est-ce qui fait la recette d’un bon podcast ?
Si Florian crée un jour un podcast, il veut un échange, une discussion, entre deux personnes qui se questionnent, comme le Podcast MOUVERS. Je raconte être devenu ami avec certains via le podcast, et notamment Nicolas Mercadier que j’avais rencontré à Nirvana et avec qui j’avais fait un premier podcast dans un café à Bali. Avec Pierre Dufraisse, nous nous sommes invités l’un et l’autre sur nos podcasts respectifs et, maintenant, nous passons des vacances ensemble !
Le podcast MOUVERS, c’est capturer des conversations que j’ai déjà dans la vraie vie. Il n’y a rien de fake, tout est naturel, on parle de ce que l’on pense réellement.
Ce qui m’aide avec mes invités, c’est de me rappeler que je n’inviterai jamais quelqu’un de qui je ne veux pas apprendre. Je l’ai fait quelques fois, avant les 40-50 premiers épisodes, mais je n’ai pas publié les podcasts. Je n’ai pas non plus envie d’un expert dans son domaine, je veux des expériences de vie multidimensionnelles.
Nous résonnons moins avec les personnes ultra spécialisées. Nous avons envie d’apprendre et de développer le maximum de compétences. Ne faire qu’une chose, c’est un peu fade. On peut respecter le spécialiste et son savoir, mais ce n’est pas notre ambition.
Florian incorpore-t-il des outils autres que la préparation physique dans sa pratique ?
- Il utilise l’alternance Sauna / Bain froid le soir. 1 minute de chaud, 1 minute de froid. Il admet que c’est facile, lorsque c’est dans la salle à Bali. En France, il a plus de difficulté à le faire, c’est trop loin de son environnement immédiat. D’où l’importance de se construire un environnement positif.
- La nutrition
- Le sommeil
- La mobilité
Il insiste sur l’importance de construire son environnement. Ce qui manque à beaucoup, c’est d’incarner ce qu’on dit et d’agir. Les gens savent comment faire pour avoir ce qu’ils veulent. Il faut juste passer à l’action et expérimenter pour avoir des résultats.
Mais même dans le bon environnement, il faut de la discipline !
Quelles sont les ambitions de Florian à moyen-terme ?
Il souhaite évoluer progressivement digitalement, mais aussi suivre la lignée de Nicolas De Paoli et créer un espace physique, à l’image de la Bali Time Chamber.
Il aimerait mettre dans cet espace physique des frictions, un studio pour faire des vidéos facilement, un sauna et des bains froids, des endroits pour dormir. Et puis, surtout, un bon entourage avec lequel connecter. Pour lui, se connecter aux autres permet de collaborer et de sortir de la mentalité de compétiteur.
C’est avec Davd Nicolas que nous parlions de l’importance de créer des espaces d’échanges pour renforcer un lien social, que ce soit via des salles ou des festivals. Car est-ce seulement possible avec une communauté entièrement en ligne ?
Est-ce que l’entrepreneuriat collaboratif l’inspire ?
Florian est d’avis qu’il faut faire ses armes tout seul au début pour développer ses compétences. La collaboration trop tôt n’est pas forcément bénéfique, puisqu’il y en aura toujours qui se laisseront porter. Mais elle le devient plus tard, pour permettre d’aller plus loin dans sa pratique, notamment avec les collaborations sur Youtube ou Twitch. Je parle alors de ma collaboration avec David Nicolas pour le podcast SNAPSHOT. Lui et moi avions effectivement déjà nos podcasts respectifs.
Mais il y a une vraie question à se poser : Qu’est-ce que je peux donner avant de recevoir ?
C’est de là que vient l’intérêt de grandir soi-même avant !
Florian s’intéresse-t-il aux autres plateformes autres que Youtube ?
Florian s’intéresse aussi aux canaux d’Instagram, inspirés de Telegram. Il est aussi en train de découvrir les mails pour parler à son audience. C’est un outil qui lui plaît, car indépendant de l’algorithme. Pour lui, les emails et les numéros de téléphone sont les outils les plus puissants. Avec les réseaux, on n’a pas le contrôle sur la réception de nos posts.
Mais comme tout, au-delà de l’outil que l’on utilise, l’important est de garder l’intention de donner de la qualité. “Tout grandit de l’intérieur vers l’extérieur. Grandir d’abord, puis irradier. Comme dans la nature.”
Se sent-il responsable d’aider le collectif pour les aider à s’émanciper ?
Pour Florian, rien ne lui est dû. Personne ne va l’aider à part lui-même. Il souhaite apprendre aux gens à progresser et à faire des efforts. Il y a une récompense dans l’effort et dans les résultats de ses élèves. On peut donner la matière, mais c’est l’élève doit faire le travail.
Pour lui, le développement personnel n’aide pas à évoluer. Au contraire, il fait émerger la culpabilité de ne pas faire assez.
Pour avoir des résultats, il faut écouter quelqu’un qui en a eus et voir comment il a fait. Son approche à lui est d’aider avec un protocole pour accompagner la personne. Mais il y a une limite au protocole car il faut aussi que l’élève s’approprie le processus de pensées et avoir de la technique pour être autonome.
Quand il construit quelque chose, il fait de la théorie, puis de la pratique et il la montre lui-même. Il a une volonté de rendre autonome ses élèves. Même si ça ne marche que pour 1% de l’audience, ça en vaut la peine. Il ne veut pas d’un zombie qui consomme sans agir. Il ne veut pas faire de divertissement.
L’éducation, c’est pas qu’à l’école. L’apprentissage est partout. D’où l’importance pour nous de continuer à transmettre !
Dans le monde du calisthenics, y a-t-il du dopage ?
Pour Florian, ce n’est pas très utile. Le calisthenics est entreprenant et nouveau : les gens veulent évoluer et kiffer le processus. Le jour où ça explosera, peut-être qu’il y en aura, mais aujourd’hui, ce monde-là est encore petit. Dans les pays de l’est, il y en a beaucoup plus, mais ils ne viennent pas en compétition.
Dans le MMA ou, surtout, la musculation, c’est très répandu. Et davantage sur Youtube, car le dopage fait des vues. Nous abordons les dangers de ces prises de substances, notamment avec la “pilule Hulk”, qui fait fureur sur TikTok, et que les adolescents prennent malgré la longue liste d’effets secondaires. L’impatience les empêche d’être raisonnables. Et en même temps, pour Florian, c’est aussi la faute des influenceurs : tout leur contenu est basé sur cela. Ça crée de la confusion, on ne sait plus qui est dopé et qui ne l’est pas. Ceux qui ne se dopent pas sont accusés de le faire, ceux qui le font mais ne le disent pas créent des attentes irréalisables à cause desquelles on se décourage car on pense qu’on n’y arrivera jamais. Florian Beaumont dénonce lui aussi ce manque d’intégrité des influenceurs qui mettent en péril la santé et la motivation des jeunes.
Florian invite à se concentrer sur soi et aller vers le meilleur de soi-même. C’est ce qu’il aime dans le calisthenics : il n’y a pas de mentalité de fragile. “Un physique de ouf n’est pas forcément du dopage, mais surtout du travail de ouf”.
Sommes-nous dans une époque où on pourra voir l’émergence d’hommes forts ?
Nous vivons dans une époque sombre où les gens ont moins de motivation et beaucoup de problèmes de santé, au niveau de la nutrition, de la force et de la libido. Mais il y a une émergence de personnes qui valorisent la détermination et la discipline, comme Jordan Peterson, Andrew Tate, Djoko Willink ou même David Goggins, bref un retour d’hommes forts qui nous poussent à nous bouger.
Pour Florian, pour se renforcer, il faut se mettre des contraintes et s’entraîner. Se plaindre ne permet pas d’évoluer. Il faut juste faire les choses !
Dans notre société actuelle, on nous met dans une zone de confort perpétuelle, avec du divertissement à gogo, comme si on voulait nous contrôler pour nous empêcher d’évoluer et de devenir forts.
Florian se place contre cela : il a envie d’évoluer dans tous les domaines, être inspirant et construire de vraies choses. Et pourquoi pas, éventuellement, devenir un leader sur les réseaux pour propager des valeurs d’anti-fragilité. C’est un concept important pour Florian, d’aller vers l’inconfort pour nous rendre plus fort.
La vision qui le porte, c’est de performer mais de transmettre un message derrière, d’être percutant pour le partager et motiver les autres à changer les autres.