Comment concilier une vie de papa avec une pratique physique régulière ?
Alain nous parle de son quotidien très occupé et la manière dont il doit concilier plusieurs vies: sa vie de papa de deux enfants rythmée par leur école, celle de professeur de mouvement et sa vie personnelle dans laquelle il mène une pratique physique servant à tester de nouvelles choses sur certains sujets qu’il souhaite présenter en cours par la suite.
Cet emploi du temps chargé le pousse à faire des choix sur les activités qui s’offrent à lui. Il ne peut pas dire “oui” à tout. D’autant qu’il y a toujours les aléas de la vie, notamment quand on est parent et qu’il faut s’adapter au temps de ses enfants. “En fait, on se rend compte qu’avec des enfants, on n’est jamais maître de son emploi du temps ! “
Pour Alain, le secret est d’optimiser son temps et ne surtout pas le gaspiller. Les situations du quotidien sont remplies d’opportunités : il propose de, par exemple, faire un peu de mobilité le temps que son enfant fait autre chose, sans suivre de protocoles stricts mais en suivant simplement l’envie du moment. Il s’agit plutôt d’avoir une pratique lifestyle et d’intégrer le mouvement comme on peut.
Malgré les contraintes, cela a ses avantages : quand il fait du Taï-Chi lorsqu’il est au parc avec ses enfants, il sait qu’il n’atteindra jamais la concentration parfaite. Mais justement, c’est un prétexte pour apprendre à pratiquer dans le genre d’environnement où l’on a pas vraiment le contrôle sur la situation. C’est apprendre à se rendre disponible pour son enfant dès qu’il nous appelle, et être capable de revenir à sa pratique dès qu’il s’éloigne.
C’est Jérémy Coron qui nous parlait du chamboulement que crée un enfant dans son quotidien. Comme Alain qui a dû renoncer à ses routines et ses plans stricts pour se suivre le rythme de ses nouvelles obligations, Jérémy nous explique que la qualité primordiale est l’adaptabilité face à un rythme qui peut être chaotique.
Comment allier sa pratique du mouvement avec un travail sédentaire ?
Alain utilise un principe d’Ido Portal qui aborde le Yin, le Yang et la voie du milieu. On a généralement tendance à être trop d’un côté : à partir du moment où on s’en rend compte, il faut essayer d’aller vers l’autre côté. “Si tu passes 8 heures assis, jamais tu ne vas pouvoir compenser les 8 heures assis… Mais, dans tes 8 heures assis, tu peux te mettre un timer toutes les 15 minutes par exemple pour passer 3 minutes debout”.
C’est un principe dont JB Bourgeois nous parle quand il aborde une manière de casser la sédentarité : faire une courte pratique facile à intervalles réguliers pour rompre les longues périodes d’inactivité.
Cette technique de garder le corps en mouvement régulièrement aide aussi à se concentrer. La concentration fonctionne par cycles, on ne peut pas la maintenir des heures entières, alors autant bouger pour se rafraîchir l’esprit.
Alain nous donne divers exemples pratiques :
- Si on est souvent assis : faire des mouvements toutes les 15 minutes environ par exemple : faire des vagues, s’étirer, se lever, etc… ou même créer sa propre routine !
- Si on est dans un environnement avec beaucoup de bruits : aller s’isoler régulièrement pour n’entendre que son souffle
- Si notre travail requiert de la force et est stressant pour le corps : aller chercher des pratiques plus douces, comme le Taï Chi ou simplement bouger ses articulations, sans intensité et sans poids.
Bien sûr, cela dépend de chacun, mais l’idée est surtout de trouver des choses qui nourrissent une pratique de mouvement : ça peut être simplement marcher ou aussi faire des choses de ses mains : réparer son vélo, sculpter des cuillères en bois, cuisiner… Tout est de la pratique ! Et les pratiques utiles comme cuisiner ou réparer des choses nous font nous sentir plus autonomes et responsables.
Pourquoi est-il intéressant de continuer à pratiquer, malgré le manque de progrès flagrants ?
Alain commence par cette question : “Comment, à travers une pratique, tu peux faire opérer un changement chez toi ?”
Il nous prend l’exemple d’un élève qui aborde la pratique du handstand. Le schéma est le suivant : au début ça va vite, la courbe d’apprentissage grimpe rapidement. Puis commence une période plus difficile où tout devient beaucoup plus long parce que l’équilibre on ne l’a pas tout de suite.
C’est une période où on peut se décourager : la clé est alors de continuer, même si on ne note pas de progrès flagrant. Mais on s’interroge : pourquoi continuer à pratiquer s’il n’y a pas de progrès ? Soit parce qu’on aime ça, soit parce qu’ on a vraiment envie d’atteindre son objectif, soit parce que c’est cool d’apprendre, soit parce que ça fait juste partie de son plan de pratique qu’on suit bêtement…
Mais après cette période de doute, arrive un moment où on s’est suffisamment engagé dans cette pratique-là pour se dire qu’on ne peut pas faire marche arrière. On arrive à un état supérieur à celui avec lequel on a commencé. C’est en suivant ce processus qu’on se rend compte de notre capacité à “apprendre ce truc complètement fou au début, qui est de tenir juste sur deux mains, pendant 10 secondes et de façon très régulière !” Et là, qu’est-ce qui empêche de se sentir capable de faire d’autres choses ?
Pour Alain, on peut embrasser beaucoup de pratiques différentes avec ce cycle de changements. C’est toujours la même chose : la facilité, l’excitation et puis la difficulté. A nous de choisir si on préfère abandonner et revenir à l’état initial dans lequel on était (voire pire) ou si on préfère persévérer et en sortir plus fort.
Les success stories de deux des élèves d’Alain
Alain nous parle d’abord de Clément, qui était à l’origine un employé de bureau stressé. Après deux ans à pratiquer le mouvement avec lui, il a fini par quitter son emploi pour se créer un groupe de mouvement à Dijon. La pratique physique lui a permis de se rendre compte qu’il n’était pas heureux et qu’il avait peut-être autre chose dans la vie que juste être assis derrière un bureau.
Le deuxième, un élève de plus de 40 ans, qui n’avait jamais fait de pratique sportive avant et avec peu de conscience de son corps. Aujourd’hui, il a une meilleure maîtrise de son corps, il est plus ouvert à l’idée d’expérimenter d’autres disciplines qui lui sont totalement inconnues comme la danse et il a développé l’envie de bouger. Il ne reste pas juste debout ou assis, il essaie de se mettre en mouvement dès qu’il le peut.
“Une pratique du mouvement, tu n’as pas besoin de pouvoir la mesurer, ça peut juste être de bouger à la sensation ! Tu joues, tu cherches…”
Une pratique plus généraliste comme celle du mouvement peut-elle aider à développer ses compétences de spécialistes ?
Alain a de nombreux élèves issus de disciplines différentes : grappleur, danseur, yogini, Crossfit, etc… Dans ses cours, il cherche simplement à donner des clés de lecture pour avoir une pratique personnelle du mouvement.
Par exemple, les danseurs viennent dans ses cours parce qu’il leur fait travailler la force. C’est comme un langage qu’ils ne connaissent pas. Alain nous dit qu’il y a tout un tas de terminologies dans le domaine du mouvement qui n’existent pas en danse. Le simple fait d’intégrer des mots pour décrire des positions de corps, ça les aide à comprendre et développer leur art. Cela leur donne aussi beaucoup d’inspiration : s’ouvrir aux accros, à la locomotion, à un autre type de floorwork, au grappling… c’est nouveau, leur permet de toucher à tout et de prendre des éléments pour créer leur propre style.
C’est une approche que Raphaël Berkane, en tant que danseur, recherche dans sa pratique, pour réussir à développer son agilité et ses compétences créatives et expressives !
Pour les yoginis, c’est l’occasion de sortir du tapis de yoga et d’aller rouler sur le sol, faire des accrocs, mais aussi travailler la force (ne serait-ce que la force de tirage) qu’ils n’ont pas vraiment l’occasion de travailler.
Alain présente aussi du parkour et utilise du mobilier urbain : “on grimpe sur des murs, on saute, on va chercher des choses que l’on ne fait pas d’habitude et ça, ça les perturbe mais ça leur donne aussi, je pense, de l’inspiration !”
Comment contrer une propension à la fainéantise ? De quelle manière le travail sur la granularité des émotions peut-il nous permettre d’opérer de réels changements ?
Pour Alain, notre comportement est juste la répétition de schémas qu’on a l’habitude de prendre. Il a conscience que les tâches du quotidien sont pénibles et lui aussi a des choses qu’il doit faire sans qu’il en ait envie… Sa technique, c’est de faire ces tâches immédiatement, dès qu’il a identifié qu’il ne souhaitait pas les faire. Pourquoi attendre ? “Au lieu de trop réfléchir à : Comment je vais le faire ou ce que je vais faire ? C’est : “Ok, je le fais !”
Ça demande du temps de pouvoir identifier où est-ce qu’on ressent les émotions et quelles sont ces émotions. L’idée est d’utiliser la granularité des émotions. Elle est basée sur un tableau des émotions, qui ont chacune des sous-catégories, à partir duquel on peut identifier son émotion. Cela peut être le schéma de fainéantise, mais aussi des émotions comme la jalousie… et à partir de là, on peut se questionner sur la raison pour laquelle on ressent ce qu’on ressent et on peut traiter l’information.
Mais il faut s’armer de patience : “Une prise de masse en musculation, tu commences à avoir des résultats rapidement. Là, le travail interne, c’est régulier et les changements sont extrêmement longs, il faut s’accrocher !”
La terminologie a-t-elle une importance dans la pratique du mouvement ? Quelles en sont les limites ?
Ce principe de granularité des émotions m’évoquent l’importance d’avoir le bon vocabulaire dans son quotidien : plus on a des mots, plus on a de la nuance dans nos propos et nos pensées.
Alain a été exposé à la terminologie avec Ido Portal. Il mentionne le livre Mastery of Movement, de l’auteur chorégraphe Rudolf Laban, qui a réussi l’exploit d’écrire des chorégraphies, grâce à la terminologie qui décrivait les mouvements. Ainsi, en utilisant un langage de base, les gens savent de quoi ça parle.
Mais pour Alain, la terminologie est certes importante mais elle n’est pas primordiale. On revient toujours à la réalité : quand on a sa vie, on n’a pas le temps de penser aux mots, on a juste envie de bouger. On peut donc faire des choses beaucoup plus simples mais qui nous font du bien !
Nous résonnons lui et moi sur l’idée d’aller expérimenter par soi-même. “La terminologie, ça donne des clés, c’est comme comprendre un langage mais après c’est à toi de venir décoder ce que l’on te montre”. Si on utilise le langage, oui, ça ouvre des portes et les connexions se font toutes seules. Mais on peut aussi essayer d’analyser, de comprendre et on finit par apprendre à apprendre, tout de suite, en action. Il y a toujours un point d’entrée qui va passer par l’observation. Même sans les mots, on peut essayer.
Peut-on tirer de la pratique physique des enseignements qui soient transférables dans notre vie de tous les jours ?
“Une pratique physique, si tu mets de la conscience dedans, si ce n’est pas juste un défouloir, tu peux en tirer des enseignements pour ta vie de tous les jours !“
Pour Alain, la difficulté pour apprendre une compétence peut être la même chose dans une activité physique que pour faire un audit financier compliqué ou résoudre un problème de maths. Les étapes sont les mêmes : on se rend compte de la difficulté, on y va petit à petit.
Beaucoup de ses élèves n’ont eu aucune pratique physique par le passé et se demandent ce qu’ils peuvent faire. Ils vont souvent s’attaquer à une pratique de mouvement très généraliste, comme des handstand, et au fur et à mesure, ils vont se rendre compte qu’ils doivent renforcer leurs mains, leurs poignets, avoir un meilleur contact avec le sol… tout est à revoir, mais si on accepte ce fait, les choses deviennent plus faciles parce qu’on transforme tout en une pratique lifestyle.
Quel a été le parcours d’Alain dans sa pratique du mouvement ?
Alain n’a pas de véritable passé sportif. Il a été avocat pendant plusieurs années et s’est inscrit au Crossfit pendant cette période. C’est une discipline qui lui a permis de développer sa force, mais aussi d’apprendre sur lui-même, sur la difficulté de ce qui nous arrive et le choix d’abandonner ou non.
Il a alors découvert Ido Portal, et malgré sa réticence face au prix bien plus élevé que ceux que l’on trouve en France, il a tout de même décidé de s’inscrire à son entraînement en ligne. Pendant la même période, il a quitté son emploi d’avocat, en quête d’une autre activité économique qui le pourrait le passionner, tout en continuant à s’entraîner.
Mais il a très vite perdu le sens dans son entraînement et avait du mal à faire le lien entre ce qu’il faisait et ce qu’il pouvait lire ou écouter de l’enseignement d’Ido. Il a donc décidé d’aller faire un internship avec lui. “Ça a été la révélation parce qu’il met des mots sur tout ! Un très bon orateur, il a ce côté extrêmement captivant !” C’est à partir de ce moment-là qu’il a essayé de développer son groupe de mouvement.
Alain souhaite préciser à quel point ne pas avoir un background de sportif ne signifie pas qu’il est impossible de devenir un bon mouver.
“Quand j’étais plus jeune, je passais plus de temps à jouer à la console. Je suis resté assis à un bureau pendant très longtemps… Quand j’ai commencé le Crossfit, c’était pénible de me mettre en position de squat et je ne savais pas faire de traction, donc vraiment, j’ai commencé tard et c’est vraiment possible !”
Avec le temps, le changement s’opère : tout ce qu’il est capable de faire aujourd’hui lui aurait paru impossible avant. Et encore aujourd’hui, il nous confie devoir aller chercher les skills et répéter longtemps avant de maîtriser un mouvement.
C’est surtout le groupe qui l’a aidé à progresser, mais aussi le fait d’avoir la responsabilité d’autres personnes, qu’elles soient douées ou moins douées. La qualité de sa pratique a beaucoup augmenté.
Comment le fait d’envisager sa vie par cycles peut-il nous transcender ?
Rien n’est figé dans la vie. On fonctionne par cycles. Alain donne cet exemple de s’engager dans une activité à fond pendant cinq ans (le temps idéal pour se lancer, créer du contenu, avoir une audience…) et, une fois ces cinq ans écoulés, de changer et faire autre chose. “Dans cinq ans, tu peux être quelqu’un d’autre si tu le décides ! Cinq ans, c’est long quand on te le dit comme ça, mais c’est court dans une vie.”
Alain nous explique que s’il enseigne le mouvement aujourd’hui, rien ne dit qu’il ne fera pas autre chose plus tard, comme monter une maison de disques. Pour lui, il est possible de se recréer par période de cinq ans.
Être en bonne santé passe-t-il seulement par le sport ?
Selon Alain, il est important de sortir de l’image du fitness comme le marketing nous le vend.
“Être en bonne santé, ce n’est pas avoir un six-pack apparent et soulever des grosses charges, ni mettre des leggings ultra sexy. Être en bonne santé, ça dépasse tout ça !”
On se nourrit de l’activité physique, certes, mais pas que de cela, il y a aussi les relations humaines, la famille, l’art, ce que l’on manque, la spiritualité aussi. C’est ce grand “tout” qui fait qu’on sent cet équilibre.
Bien sûr, il y a toujours des extrêmes qui se battent, un peu comme des aimants qui se poussent et qui s’attirent. Mais quand on est bien au milieu, tout est stabilisé, c’est le bon endroit pour le corps. “Si t’es trop d’un côté, pense à aller de l’autre !” A chacun de se créer son approche du mouvement. Alain, lui, n’est là que pour donner des outils pour que l’élève puisse faire sa pratique sur mesure.
Comment être attentif à son monde interne et de quelle manière la visualisation peut-elle s’avérer être un précieux outil ?
“Je fais plus attention à ce qui ne se voit pas, donc à mon attitude interne, à ce que je peux ressentir et comment j’analyse les choses !“
Pour Alain, il est important de ne pas se mentir à soi-même et surtout apprendre à observer ce que l’on ressent et ce qui se passe à l’intérieur, aussi bien au niveau des sensations physiques que de l’émotionnel.
A ses yeux, la spiritualité, c’est tout ce qu’on ne voit pas assez : les bonnes ondes, être positif dans la vie, avoir des principes et s’y tenir. C’est être aligné avec soi, sans être perturbé par des questions d’argent ou d’égo.
Il revient sur la granularité des émotions qu’il juge outil puissant pour comprendre ce que l’on ressent vraiment et ainsi ne pas confondre les émotions entre elles (la tristesse et la jalousie, la jalousie et l’anxiété, etc…).
Il aborde un deuxième outil, à savoir l’identification et la matérialisation de l’émotion. Il nous en explique la démarche :
- Une fois l’émotion située, on se concentre et essaie de la visualiser. Ça peut être par un dessin ou juste dans son imagination. Ça peut ressembler à ce qu’on veut, à un sapin avec des dents de vampire, peu importe.
- Ensuite, cette émotion-là qu’on considère comme négative, on va essayer de la modifier et de la modeler en quelque chose qui, en la regardant, nous fait nous sentir bien.
- Là, on commence à travailler la texture de son émotions et on arrive à la changer.
Pour lui, la pratique interne peut vraiment faire changer son caractère, voire changer la personne que l’on est. “Si tu es quelqu’un de très nerveux et de très anxieux, cette pratique interne, elle te fait changer tes traits de caractère.”
La visualisation est très utile pour le développement général de ses compétences. Il l’utilise beaucoup pour les accros ou le Jiu-Jitsu Brésilien, en visualisant ses mains sur le sol, la sensation de ses jambes dans l’air…
Deux outils pour booster la guérison et la concentration ?
Nous parlons d’abord dans cette thématique de pratiques internes qui pourraient aider dans le processus de guérison du corps et de récupération physique. Pour Alain, quand on essaie de porter de l’attention à sa blessure, ça permet d’accélérer un peu la guérison. Quand on prend conscience qu’il y a quelque chose au quotidien qui nous gêne, y penser permet de le travailler : il y aura des effets positifs d’accélérateur de guérison ! Nous allons plus loin au sujet de l’impact de la psychè sur l’auto-guérison du corps avec Loïc Diat qui parle longuement des croyances autoréalisatrices.
Ensuite, Alain évoque des outils pour la concentration, notamment la méditation. Mais au lieu de se plonger dans cette pratique-là, il existe des exercices bien plus concrets : éviter de regarder les notifications de son téléphone quand on est avec quelqu’un ou parler en pleine conscience avec quelqu’un sans perdre le fil par exemple.
“Parfois, on veut être focus pendant 30 minutes à compter nos respirations, mais on n’est pas capable de rester 5 minutes à discuter avec notre mère ou avec notre sœur, sans être déconcentré par le téléphone… Il y a un truc qui ne va pas entre la pratique et ce que tu fais de ta vie !”
Pour Alain, il faut vraiment s’interroger sur le pourquoi de nos pratiques. Quels objectifs veut-on se fixer ? Mais pourquoi de tels objectifs ? A quoi ça va servir ?
Pratique physique : Comment trouver la juste balance entre ses objectifs, ses capacités et ses réels besoins ?
Je partage un questionnement que j’ai : est-ce pertinent de développer des compétences très avancées (comme la traction à un bras) ou est-ce que le mouvement doit avoir une relation avec la praticité des mouvements quotidiens ? Y a-t-il la place pour les deux ?
Beaucoup de personnes veulent faire certaines figures parce qu’il s’agit d’objectifs posés par des influenceurs. Ils viennent donc en cours avec des attentes, sans se rendre compte de la quantité d’heures qu’il leur faudrait pour y parvenir. D’autres, qui n’y connaissent rien, commencent une pratique simplement pour bouger, sans objectif particulier, dans le seul but de se sentir mieux. Pour Alain, cela devrait être le principal objectif. Mais si on a le temps et l’énergie pour faire plus, pourquoi ne pas aller au-delà ?
Encore une fois, l’idée est de donner des outils aux élèves pour qu’ils fassent leur propre mix. Et même s’ils veulent aller vers quelque chose de complètement irréalisable, il faut qu’il le fasse simplement pour s’en rendre compte.
Ce sont de vrais questionnements : comment savoir si on est pas arrivé au bout de sa discipline, est-ce qu’en faire plus me servira, me rendra plus fort que quelqu’un qui fait moins… Est-ce que ce n’est pas suffisant maintenant ?
Pourquoi est-il important de replacer le travail manuel dans notre quotidien ?
Dans cette thématique, Alain aborde la manière dont il a cherché à réparer les choses qu’il possède pour les faire durer le plus longtemps possible. Il nous parle de sa première tentative ratée de réparer un timer, puis de celle, concluante, de remplacer une fermeture éclair. Le simple fait d’essayer est important : et quand on y parvient, on ne peut que se sentir fier !
Pour Alain, on n’utilise plus nos mains aujourd’hui. Même si on pratique, on ne fabrique plus. “Et pourtant, à la base, lorsque l’on avait besoin d’une maison, on fabriquait notre maison, lorsque l’on avait besoin d’enfouir nos crottes, on creusait !”
A quoi bon être capable de faire des choses incroyables, comme des tractions à un bras, mais ne pas être capable de recoudre un bouton ? A quoi bon passer tellement d’heures à pratiquer sur sa pratique physique holistique généraliste et ne pas arriver à réparer quelque chose ?
“Nos mains, elles sont mortes d’une certaine façon. On ne produit plus rien, on ne fait que consommer. C’est un outil qui est mort ! “
Savoir réparer ou recoudre un bouton, c’est la porte vers l’autonomie. Ça ne paraît rien, mais c’est pourtant utile. Et n’est-ce pas satisfaisant de se dire : “Je ne jette pas mon manteau parce que j’ai réussi à réparer la fermeture éclair !” ou “Je ne l’ai pas emmené chez quelqu’un pour le faire, je l’ai fait tout seul.” ?
C’est encore Loïc Diat qui parlait de l’importance d’apprendre à se débrouiller sans les technologies et développer des compétences pour se rendre autonome et être capable de survivre si la situation l’oblige.
Comment composer ses séances quand on a une contrainte de temps ?
Avec une contrainte de temps et de lieu, nos objectifs changent et deviennent beaucoup plus simples. Alain n’a plus comme but d’aller toucher son pied avec sa tête ou faire le one arm handstand : ça demanderait beaucoup plus de temps qu’il n’en a. Ses choix vont plutôt vers des choses plus utiles pour lui: développer son grappling, améliorer ses cours ou apprendre à mieux utiliser l’espace urbain.
Par exemple, dans le cas du front lever (une figure issue de la gymnastique et de la callisthénie), il n’y passe pas beaucoup de temps, en fait de temps en temps pour vérifier que son niveau est toujours là mais il préfère aller travailler ses sauts de précision: c’est là où il se sent le plus vivant !
L’autre passion d’Alain : pourquoi est-il nécessaire de se donner la possibilité de se réinventer ?
Alain a en tête depuis dix ans un projet en rapport à la musique, qu’il avait toujours imaginé faire à la retraite comme loisir : ouvrir une maison de disques spécialisée dans la musique flamenco.
Pour lui, se réinventer, c’est vraiment possible. “On peut passer de prof de mouvement à ouvrir une boulangerie sans gluten !“
C’est à partir du moment où on se croit bloqué que nous mourrons, que nous cessons d’avancer. Il faut chercher ce sursaut, ce réveil pour enclencher un mouvement.
Mehdi Jaouadi aussi prône le fait de rester ouvert à toutes les opportunités qui peuvent survenir : ce n’est pas que nous faisons quelque chose aujourd’hui que nous le ferons toute notre vie. Tout peut s’arrêter d’un moment à l’autre, il faut savoir rebondir si besoin et se donner la possibilité d’être autre chose !