Pourquoi Pierre a démarré l’aventure du podcast avec « Le podcast de l’Anti fragilité » ?
Puisque nous sommes tous les débuts aux débuts de nos podcasts, je me pose la question sur les motivations de Pierre pour le faire, lui qui est déjà bien implanté dans son milieu. Pour Pierre, un podcast permet, par le changement de format, de changer la manière dont on transmet. L’audio est plus privé, moins formel et factuel que son travail sur Youtube : il y raconte des choses plus personnelles.
Même si les gens viennent chercher des connaissances sur nos chaînes, ils ont besoin de créer du lien avec nous et d’avoir aussi accès à notre énergie. Le podcast permet ça. Pour moi, c’est aussi le prétexte pour aller plus loin que le mouvement, de creuser et d’accéder à toutes les dimensions.
Le parcours de Pierre au niveau de son développement physique et mental et sa découverte de la “Nirvana Strength Bali”.
Malgré sa passion pour l’exercice physique, notamment le tennis, Pierre était en surpoids jusqu’à ses quinze ans. Il nous raconte que tout a changé lorsqu’il est tombé sur un maître de karaté, un véritable sensei pour lui, qui a réussi à changer son regard sur lui-même et qui lui a inculqué la valeur de travailler sur soi et de trouver les points de levier pour se renforcer.
Il est parti ensuite au Japon dans le cadre de ses études, puis y a vécu pendant six ans. La mort a marqué sa vie à cette période-là, puisqu’il a perdu de nombreux proches : un déclic s’est fait de se tourner vers le domaine de la santé et de la prévention. C’est ainsi qu’il a découvert la naturopathie qui lui a permis d’aborder la santé de manière holistique. Cela a été un tremplin pour le motiver à suivre plusieurs formations par an pour se perfectionner : l’hypnose, les formations d’Ido Portal, en cherchant toujours à apprendre auprès des meilleurs.
“Allez voir les plus grands. Payez cher. Vous vous en foutez, vous ferez des caps de dix ans”
En 2019, il part à Canggu, à Bali, pour écrire. Il y découvre par hasard la salle Nirvana Strength Bali grâce à Nicolas Mercadier, où il s’entraîne pendant trois mois aux côtés de Dominik Sky et Uros, deux grands athlètes de calisthenic.
C’est un lieu qui lui correspondait puisqu’en accord avec la loi de l’hormèse, cette capacité d’un organisme vivant à se renforcer, l’anti fragilité au niveau biologique. Nassim Nicholas Taleb en parle beaucoup dans Antifragile. L’idée est de soumettre l’organisme à un stress : s’il y a une phase d’intégration suffisante derrière, il va se renforcer.
Grâce aux bains froids sur les lieux, il a pu expérimenter le Yoga Toumo, le yoga du froid.
Qu’est-ce que le Yoga Toumo ? Comment Maurice Daubard a changé la vie de Pierre ?
J’ai retranscrit le passage passionnant de cet épisode dans cet article qui traite plus largement du Yoga Toumo. On y parle de ses origines tibétaines révélées par l’exploratrice Alexandra David Neel, dont elle décrit aussi les pratiques.
On aborde la vie passionnante de Maurice Daubard, seul occidental reconnu comme maître du yoga Toumo par les tibétains, mais aussi de l’abbé Kneipp, considéré comme un précurseur de la naturopathie, qui, lui aussi, a contribué à soigner de nombreuses personnes par le froid. De quoi mettre plus de perspective dans la pratique du froid et d’aller au-delà des personnalités plus connues comme Wim Hof.
Pour aller plus loin sur les pratiques tibétaines et leur mystique, Charlotte Dupinay nous parle longuement des aventures extraordinaires d’Alexandra David Neel et des connaissances qu’elle a rapportées en Occident au XIXe siècle.
Comment les difficultés de la vie nous permettent de nous transformer et nous renforcer ?
Je remarque que les parcours de Pierre et de Maurice sont similaires dans le sens où ils ont fait un travail de recherche sur la santé après un “stress”, que ce soit la maladie ou la mort. Sans ce stress-là, peut-on réellement évoluer ? Faut-il aller vers les choses difficiles? Le monde actuel vend le confort comme objectif. Mais que signifie le “confort” pour nous ?
Nassim Nicholas Taleb parle de croissance post-traumatique : les difficultés de la vie sont dures, mais si on en ressort vivant, quelque chose en nous se retrouve renforcé. Mais dans notre société, un “trauma” mène à l’auto apitoiement. Pour Pierre, il ne faut pas prendre en pitié les autres, il faut célébrer leurs capacités de résistance, leur capacité à se relever et à aller de l’avant. La surcompensation face au stress est une bonne chose : il ne faut pas fuir l’agent stressant.
Pierre nous raconte son approche face à la difficulté dès son adolescence. “Quand un truc ne m’allait pas, je le mettais dans mon environnement le plus proche, pour en faire non plus un ennemi mais le meilleur des alliés. Ce n’était même plus que ça ne fasse plus peur, mais que ça devienne une force.” Cette approche anti fragile d’aller vers l’inconfort, il la partage avec Alex Tsuk qui utilise l’outil des bains froids pour affronter les émotions qui lui font face. Quant à Lucas Bourguignon, il fait un travail de sémantique cher au coeur de Pierre en faisant la distinction entre anti fragilité et résilience.
Pour approfondir sur cette recherche d’extrêmes, il nous parle des travaux de Stanford sur l’homéorhésie, de la théorie du chaos et de l’attracteur de Lorenz. Le vivant s’exprime dans l’extrême : même si le corps, par l’homéostasie, essaie de tendre vers un équilibre, vers le point central, les êtres cherchent toujours à s’en éloigner car c’est là où ils se sentent vivants.
“La recherche de linéarité, le manque de volatilité, tue même les meilleurs.”
Qu’est-ce que l’équilibre ? Pourquoi est-ce dangereux de vouloir absolument l’atteindre ?
La recherche d’équilibre est parfois confondue par la recherche de confort. Il faut parvenir au confort par sérendipité, sans vouloir forcément le trouver. Ce n’est pas le sommet de la pyramide à atteindre.
Pierre nous parle du transhumanisme, qu’il considère comme un bout de course : vouloir aller au-delà de la mort, l’inconfort ultime, est une digression car elle pas naturelle.
La recherche de l’équilibre peut être mortifère car le corps est mouvement. Le seul moment où on est immobile, c’est quand on est mort. Pour s’en sortir, ce n’est pas forcément l’équilibre qu’il faut atteindre, mais plutôt l’adaptabilité. En apprenant à se débrouiller dans des situations inconfortables, on avance.
Comment les voyages, en physique et par l’esprit, nous aident à nous réaliser ?
Les voyages, dans ce qu’ils provoquent en nous en termes perte totale de repère, permettent un lâcher-prise et une réalisation de soi. J’explique qu’ils m’ont permis de réaliser à quel point la vie était précieuse, notamment avec la découverte des écrits de Miyamoto Musashi et de ses méditations sur la mort.
Pierre résonne avec cela : aller au-delà de ce que l’on connaît permet d’ouvrir des portes, d’aller au plus profond de soi. “Quand les masques tombent, qu’est-ce qui reste ?”. Ayant tous les deux été profondément marqués par nos voyages respectifs au Japon, nous nous sommes retrouvés pour un épisode spécial où nous abordons plus largement cette thématique.
Mais le voyage va au-delà du voyage physique : il y a aussi le voyage intérieur. La plupart des grands penseurs ne sont pas forcément allés très loin pour développer la pensée qui a été la leur. Pour voyager par l’esprit, tant qu’on ne peut pas voyager par le corps, Pierre recommande la philosophie stoïciste, qui a inspiré Marc Aurèle, Sénèque ou encore Patrice Franceschi. C’est une philosophie totale, de la posture : elle ne débat pas sur la sémantique. Certes, il faut la comprendre, mais il ne faut pas s’y attarder : il faut simplement passer à l’acte une fois qu’on a délimité son chemin.
Le stoïcisme est toujours applicable à notre époque. Pour moi, une fois les principes de base maîtrisés, cette philosophie est comme un gilet pare-balles contre les difficultés de la vie aujourd’hui. Je m’en sers aussi pendant les entraînements : profitons du processus, pratiquons simplement ce qu’on a à faire, comprenons que la vie, même routinière, a ses couleurs et ses merveilles.
Pourquoi l’être humain a perdu sa capacité à se poser les questions essentielles ?
Nous vivons dans un monde de la diversion : les gens ne se demandent plus “Pourquoi” ils font les choses, ils ne savent plus décrire ce qui se passent en eux, ils ne portent pas attention au cadre dans lequel ils évoluent, ils sont perdus dans une matrice où ils se contentent de faire sans penser.
Le piège alors, c’est que si les gens voient des gens épanouis, ils croient qu’avec une grosse action, ils vont pouvoir se sortir de cette matrice. Une personne qui a un mode de vie sain, qui est heureux, a peut-être utilisé des outils qui l’ont aidé, mais ils ne fonctionneront peut-être pas de la même manière sur quelqu’un d’autre.
On ne s’en sort pas en un jour et en une seule chose : c’est un long processus.
Comment être (ou devenir) un bon thérapeute ?
“Il y a une grande différence entre aimer ce que l’on fait et faire ce que l’on aime.”
L’acte importe peu au final, ce sont les valeurs de la personne, c’est comment tu vois les choses à l’intérieur de toi et comment tu kiffes le processus. Une personne peut être heureuse toute sa vie en plantant des clous.
Du moment qu’elle a trouvé sa place et sa passion, la personne devient un thérapeute, elle rayonne et inspire les autres. C’est le principe de l’exemplarité : pour changer les gens, il faut changer d’abord soi-même. Mais cela ne fonctionnera pas toujours : il faut aussi accepter de voir les gens refuser de nous écouter et faire leurs propres erreurs. Il est important de maintenir sa neutralité, de rester à sa place et de mesurer son interventionnisme, même si on a envie de changer le monde et les autres.
Pour ce faire, il se cantonne à partager des principes généraux, à partir desquels ceux qui l’écoutent pourront établir leurs propres règles de vie (le système musculaire, la physiologie, l’hormèse, l’anti fragilité, l’homéostasie…) dans le but de les rendre autonomes. Imposer ses règles personnelles, c’est prendre le risque de transmettre quelque chose qui a certes fonctionné pour nous, mais qui ne fonctionnera peut-être pas pour autrui.
La grande lutte de Pierre, c’est la résignation. Il veut combattre les “C’est comme ça” : qu’on n’ait plus envie de se rebeller contre des situations qui nous déplaisent, ça l’inquiète. Peu importe s’il est possible de changer ou non, révoltons-nous.
Comment devenir un humain plus vertueux ?
Dans le stoïcisme, un être humain, pour se trouver soi-même, doit d’abord déterminer ce qui est sacré pour lui et pour quels principes il est prêt à mourir (comme la famille, l’amitié, l’amour…).
Une fois ces choses là déterminées, il lui suffit simplement de se demander si l’action qu’il va prendre est juste vis-à-vis de ce qui est sacré pour lui. Ainsi, le chaos intérieur n’existe plus : le seul chaos à combattre est celui de l’extérieur, des lois inhumaines.
On peut réviser ces principes tous les dix ans par exemple pour rester en phase avec notre évolution, mais entre-temps, ils sont censés rester immuables.
Pourquoi les connaissances apprises à travers les expériences sont les meilleures armes dans ce monde ?
Une fois ces principes déterminés, on ne peut pas faire l’économie de la connaissance. Elle donne le “pourquoi” derrière les actes.
Pour éviter l’approche dogmatique de la vie, d’agir parce qu’on a entendu parler d’une idée reçue, il faut aller chercher les bonnes informations pour se rendre totalement autonome.
Et une fois qu’on a cette raison qui nous pousse à agir, il faut expérimenter. C’est la pratique qui transforme l’information en connaissance. Si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas grave : c’est de l’information pour nous indiquer qu’il faut se frayer un autre chemin.
C’est pour cette raison que Pierre parle de physiologie sur sa chaîne: pour apporter de l’information aux personnes, afin qu’ils puissent se construire leurs armes petit à petit.
Quels sont les projets futurs de Pierre Dufraisse pour les mois et années à venir ?
“Ma voie est simple” selon Lao Tseu. Le projet de Pierre, c’est l’engagement dans des causes qui le dépassent. Il a beaucoup appris ces dernières années, il souhaite désormais que ces connaissances lui soient utiles pour prendre soin des autres.
Il a également un projet avec Idriss Aberkane, auteur et essayiste autour des neurosciences, et Gunter Pauli, auteur sur l’économie bleue et membre du club de Rome, autour de la préservation de l’environnement et de la régénération des écosystèmes.
A son niveau, il souhaite rendre encore plus accessible les grands principes du vivant, continuer ses coachings, écrire des livres, faire des stages, être en contact avec les gens, notamment avec un projet de trouver un lieu pour créer un Nirvana Strength français.
Quelle est la différence entre la pratique de la respiration et l’exposition au froid ?
Avec la méthode Wim Hof, on a tendance à associer les deux car la respiration peut aider à la gestion du stress et lorsqu’on est exposé au froid, le cerveau peut gérer la situation. Mais la respiration va au-delà de ça : on peut s’en servir pour faire descendre le système ou entraîner sa tolérance au CO2.
Contrairement à l’idée reçue qu’il est mauvais pour nous, le dioxyde de carbone provoque l’effet Bohr : il déforme l’hémoglobine et permet de relâcher l’oxygène pour que les cellules ne le retiennent plus et puissent respirer.
Pour aller plus loin, Pierre nomme Patrick McKeown et Brian McKenzie comme les deux grands noms de la respiration et de la performance aujourd’hui. Pour lui, c’est l’outil primordial à utiliser quotidiennement.
Plusieurs mouvers utilisent le breathwork dans leurs pratiques, avec des techniques différentes pour différents résultats, comme la rétention avec Alex Tsuk, les respirations diminuées avec Charlotte Dupinay ou bien les respirations holotropiques avec Thomas Bazin.
Pourquoi est-ce primordial de respecter les cycles de la nature et vivre dans un environnement naturel ?
Nous sommes des êtres physiques : il y a un intérêt à comprendre son corps, son environnement intérieur, mais aussi son environnement extérieur.
Dans l’une de ses vidéos, Pierre nous parle de neurophysiologie du sommeil, des cycles circadiens et de la lumière du soleil. Il nous explique que nous avons des neurones à mélanopsine au niveau de l’œil qui sont des captages de photons. Ce sont eux qui informent le noyau suprachiasmatique au niveau de l’hypothalamus (notre horloge biologique) et mettent notre “train physiologique” sur les rails de la journée (pour la production hormonale et de neurotransmetteurs). On délimite ces rails par rapport à notre exposition au soleil ou la non lumière du soleil.
Tout ce qu’on peut faire comme changement alimentaire ou exposition au froid a moins d’importance. Le rapport à la nature et le respect des rythmes jour/nuit sont primordiaux, c’est ce qui influence le plus notre horloge biologique interne.
Il n’est pas le seul mouver à partager cet avis sur l’importance de la lumière naturelle sur notre corps. Johanne Cammarata nous parle longuement de la relation entre le sommeil et la lumière. Will Jansen, lui, aborde les notions de cycles à respecter, depuis la lumière du jour aux saisons de l’année.
Mais quoi répondre aux gens qui s’estiment plus productifs la nuit ?
Pour Pierre, il y a des fluctuations pendant la journée, c’est vrai, mais la plupart du temps, il s’agit de mauvaises habitudes de vie qui inversent notre biologie interne. A cause des lumières artificielles et de l’éloignement de la nature, nos courbes hormonales et de température se décalent. C’est pourquoi on peut se sentir très productif et éveillé à 20 heures.
Mais ce n’est pas une fatalité, on peut recalibrer son horloge biologique en programmant son réveil au lever du soleil. Une fois de plus, en connaissant certains principes, on peut essayer d’appliquer et d’expérimenter afin de voir s’il peut en ressortir des bienfaits dans notre hygiène de vie.