MOUVERS #72 – Notion d’Épochè, Le “Bouger” Gracieusement, Biomécanique et Posture. Comment de nouveau inCORPorer de la conscience dans sa pratique physique avec Jérémie Fiset (Art of Agility)

Une de mes conversations préférées sur le MOUVEMENT dans toute sa complexité, toute sa beauté et le caractère INCARNÉ qu’il m’a toujours évoqué, avec Jérémie Fiset, de Art of Agility, un MOUVER de Montréal, Professeur, élève, explorateur et praticien avec une vision unique de l’art de bouger son corps avec grâce et élégance, mêlant la biomécanique, la compréhension des chaînes musculaires et articulaires, la posture, les acrobaties de rue et surtout, une PHILOSOPHIE puissante pour nous aider à de nouveau “nous inCORPorer” (remettre dans le corps). À réécouter au moins 10 fois 😉

Publié le 25 avril 2022

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Chapitres

00:00 Addictions (caféine, cigarette…) : Comment se déroule une prise de conscience pour reprendre le contrôle sur ses habitudes ?
03:38 Quels sont les bienfaits de prendre un vrai temps pour soi le matin avant de démarrer sa journée (vie de famille, travail…) ?
07:21 Comment développer une approche de sa pratique physique qui soit plus intuitive ? Comment se connecter à soi-même ?
12:35 L’agilité est-elle accessible à tous ? L’importance d’incorporer de la régression dans sa pratique.
21:54 Comment l’Antigymnastique a-t-elle transformé la pratique de Jérémie ?
29:58 Posture : Pourquoi est-il fondamental de comprendre la biomécanique du placement de son bassin et de sa cage thoracique ?
38:14 Pourquoi est-il important de travailler sa force de préhension. Comment peut-on développer sa poigne ?
44:32 Pourquoi est-il fondamental de travailler ses pieds ? Comment travailler la capacité d’adaptation du pied ?
53:43 De quelle manière la posture de notre dos nous conditionne-t-elle au niveau émotionnel ? Quels sont les bienfaits d’apprendre à placer sa respiration dans le dos ?
01:00:21 Quels sont les éléments à considérer quand on parle de posture ? Quel est le rôle des os dans l’apprentissage du mouvement ? A quoi sert le tapotage osseux ?
01:07:03 Pourquoi est-il important de connaître les familles musculaires et comment peut-on les potentialiser ?
01:13:27 En quoi notre posture impacte-t-elle à la fois notre vitalité, notre mobilité et notre adaptabilité ?
01:20:52 Comment peut-on travailler sa qualité de ressenti ? Peut-on augmenter notre capacité à percevoir la perception ?
01:31:39 Comment sortir du focus lié au nombre de répétitions pour se concentrer davantage sur ses sensations ? Comment tendre vers l’épochè ?
01:42:16 La méditation se pratique-t-elle seulement dans l’immobilité ? Comment déterminer son style méditatif ?
01:56:33 Les deux livres que Jérémie recommande à tous.
02:00:45 Le message de Jérémie pour l’humanité.
02:10:19 La routine matinale parfaite de Jérémie.
02:13:08 Comment connecter avec Jérémie et aller plus loin ?
02:14:24 Les dernières paroles que Jérémie souhaite nous adresser.

L'invité : Jérémie Fiset

MOUVERS #72 avec Jérémie Fiset (Art of Agility) Portrait | MOUVERS Nomadslim Movement

Nouvelle conversation COSMIQUE avec un frère de lumière, Jérémie Fiset de Arts of Agility : le MOUVER par excellence, enseignant, praticien, élève et chercheur,

J’explore avec Jérémie l’étendu de ce que la pratique physique CONSCIENTE est capable de nous apporter en termes de capacités physiques et athlétiques,

Mais aussi et surtout, les leçons qu’on peut en extraire pour ajouter de la conscience à chaque moment de vie, retrouver un corps dans lequel on se sent bien,

Reprendre possession de ses fonctions naturelles, faire le lien entre posture, respiration et biomécanique, pour enfin ÊTRE le mouver qu’on devrait être.

“Même s’il me manquait un bras, je serais toujours un Mouver ! Même s’il me manquait une jambe, il y aurait plein de choses que je pourrais faire et je serais toujours un Mouver !” ~ Jérémie Fiset

Jérémie est un sempai (先輩) pour moi, qui a déjà créé plusieurs espaces dédiés à la pratique et à l’enseignement du mouvement à Montréal.

On revient sur ses expériences professionnelles avec les différentes méthodologies autour de la mobilité articulaire, la posture et la biomécanique :

On parle de l’approche par les chaînes musculaires et articulaires de la Méthode GDS, des protocoles de développement acrobatique de Paragym,

De l’importance des régressions et comment apprendre les fondations du mouvement et comme il dit “refonctionnaliser le corps” grâce à l’Antigymnastique,

Mais aussi, les ponts que Jérémie a pu dresser entre la respiration, la posture de la colonne vertébrale, la gestion des émotions et même la longévité.

“Il y a des gens qui me disent : Je viens bouger avec toi Jérémie, pour me remettre dedans ! C’est une drôle d’expression, comme s’ils n’y étaient pas… Tu veux te remettre dedans, mais tu étais où si tu n’étais pas dedans ?” ~ Jérémie Fiset

On établit ensemble quelques gemmes de sagesse pour améliorer sa longévité grâce à la mobilisation de la colonne vertébrale, le développement de la poigne et la réathlétisation du pied.

Des perles d’entraînement physique peu partagé dans le monde francophone et qui à elles seules, vont catapulter ta santé vers les sommets.

Dans sa quête de trouver les réponses à “comment optimiser le potentiel physique de l’être humain ?”, Jérémie a su plonger dans la philosophie.

Il nous parle du concept d’Épochè, de Flow State, de Méditation et de thérapie par le mouvement. Des clés pour comprendre que les réponses sont déjà en nous.

“Ultimement, j’aime bien simplifier l’idée de la méditation sur ça : on médite pour améliorer la capacité à faire une seule chose, pleinement à la fois ! Après, il faut juste trouver son style méditatif !” ~ Jérémie Fiset

Un de mes épisodes préférés, qui va raviver la flamme du mouvement en toi.

Très bonne écoute les mouvers !

Notes, Liens, et Resources dans cet épisode

Comment se déroule une prise de conscience pour reprendre le contrôle sur ses habitudes/addictions ?

Je commence le podcast par raconter mon arrêt de la caféine depuis quatre semaines, après neuf ans de consommation. Je parlais déjà avec Clément Lamirel de cette volonté de reprendre le contrôle, qui avait engagé une discussion sur nos approches respectives face aux addictions.

Même si on a connaissance des méfaits d’un produit, ça ne change pas toujours. “Savoir, c’est différent d’incarner”. Pour Jérémie, le détachement aux addictions se fait progressivement : tout un mécanisme mental se construit avant de passer à l’action. “C’est nourrir la lente désirance” quand on se répète qu’on aimerait arrêter le café/la boisson… jusqu’à ce que l’on soit prêt.

Dans mon cas, je n’arrive pas à faire les choses dans la demi-mesure. Je suis plutôt “tout ou rien”, je ne peux pas me détacher de ces choses-là lentement. J’ai besoin que ce soit tranché.

Quels sont les bienfaits de prendre un vrai temps pour soi le matin avant de démarrer sa journée (vie de famille, travail…) ?

Jérémie a changé sa routine matinale, puisqu’elle avait été bousculée quand il a eu des enfants. Il a su réinvestir sa routine du matin pour se lever bien avant ses filles et avoir une fenêtre de temps rien que pour lui-même. Bref, un long moment pour soi !

Cet accueil du chaos dans son quotidien, c’est une thématique qu’on aborde beaucoup avec les papas de la communauté MOUVERS. Jérémy Coron nous parle de la qualité mère d’adaptabilité pour s’en sortir et pouvoir avancer dans ses projets. Quant à Nicolas Ravenelle, cette réorganisation de son temps peut être faite en mettant l’accent sur la communication avec son enfant pour le faire coopérer.

Concernant ce qu’il fait pendant sa routine, Jérémie nous explique faire de la pratique “pure” avant : il s’adonnait à la Vipassana, à la mobilité, avec un souci de bien faire et plein de paramètres. Aujourd’hui, il lui suffit juste d’écouter et d’observer ce qu’il ressent, de sentir le mouvement. “Je travaille à recréer un espace pour accueillir ce qu’il y a à travailler”

Comment développer une approche de sa pratique physique qui soit plus intuitive ? Comment se connecter à soi-même ?

Le fait d’avoir des enfants bouscule la pratique physique. Non seulement dans le fait d’avoir une pratique dans un état dégradé (avec la fatigue) mais aussi dans l’organisation de sa pratique : on la fait désormais quand on peut, quand on a quelques minutes, de manière graduée. Alain Couturier, à ce sujet, parle d’apprendre à avoir une pratique lifestyle du mouvement : faire du mouvement à tous moments, parce qu’on le veut présent dans notre quotidien et pas parce qu’on doit le faire !

Puisqu’avoir des enfants, c’est en quelque sorte être toujours à leur service, Jérémie se base sur une approche plus intuitive du mouvement. Il a arrêté de faire des plans et a plutôt plongé dans lui-même pour voir ce dont il avait besoin. Et il s’est rendu compte que c’était suffisant !

A quoi servent nos routines ? Est-ce qu’elles permettent de nous connecter à nous-mêmes ? Est-ce qu’on est capable de maintenir notre attention ? Est-ce qu’on est capable d’incorporer (c’est-à-dire “mettre dans le corps”) ? Jérémie invite à se poser ces questions, en jaugeant notre humeur émotionnelle et la vibe qu’on veut mettre dans notre journée : c’est cela qui détermine, pour lui, quel type de mouvement il va faire.

L’agilité est-elle accessible à tous ? L’importance d’incorporer de la régression dans sa pratique.

Aekuus est une école de mouvement qu’il a créé en 2009 à Montréal. Le nom est inspiré du mot aequilibrium en latin, qui veut dire équilibre, qui se divise entre aequus, qui veut dire “égal” et libra, qui veut dire “balance”. Ça donne l’idée de l’équilibre. Il y a aussi l’aspect de l’équanimité, qui vient d’aequus et d’anima, qui est l’esprit, ce qui donne l’équilibre de l’esprit. Avoir corps et esprit lui plaisait dans ce nom !

Initialement, il travaillait sur trois concepts : posture, mouvement et agilité. Il s’est depuis repositionné pour ne travailler que l’agilité à travers sa méthode the Art of Agility.

Pourquoi avoir choisi l’agilité ? Il a commencé par être coach en acrobatie de rue avec Paragym (Posture Agilité Renforcement Acrobatie) et s’est rendu compte que de nombreuses personnes venaient pour pratiquer des choses qu’ils ne pouvaient, en fait, pas faire par manque de souplesse ou de force et se blessaient souvent !

Jérémie a donc pensé à une offre en deçà de ce qu’il enseignait alors, pour préparer le corps au préalable. Il souhaitait régresser jusqu’au plus petit mouvement possible, ce qui a mené à l’antigymnastique.

Pour lui, l’agilité, c’est la capacité à bouger avec aisance, coordination et beauté. Il veut se diriger vers cela. Raphaël Berkane nous parle plus longuement de cette compétence, lui qui est danseur, dans le sens où elle est ce qui permet la meilleure expression de soi.

Jérémie mentionne aussi que ce retour à la base, cette régression, favorise la flexibilité neuronale, bref l’agilité de l’esprit. Cela permet une efficience mentale, de réfléchir rapidement et de faire des liens entre les pratiques.

Comment l’Antigymnastique a-t-elle transformé la pratique de Jérémie ?

L’antigymnastique permet de “refonctionnaliser” le corps et de redonner de la conscience à sa pratique. Elle se base sur ce qui est déjà disponible dans le corps et ce sur quoi on peut déjà travailler.

Elle permet de travailler les bases, comme la qualité des appuis au sol et même la respiration. Ces légers changements font toute la différence, car il s’agit d’un travail de conscience corporelle sur les repères intérieurs du corps, comme les articulations ou la respiration.

C’est aller chercher une façon d’habiter son corps qui nous prédispose à être bien positionné, tant dans notre manière de distribuer notre poids que dans notre manière de respirer. A partir de là, on peut faire n’importe quel mouvement.

On peut trouver beaucoup de réponses chez les danseurs, dans le Qi Gong ou dans la biomécanique de la méthode GDS.

Pourquoi est-il fondamental de comprendre la biomécanique du placement de son bassin et de sa cage thoracique ?

Il y a trois clés pour la longévité. La première, c’est le soin de la colonne vertébrale.

Selon la méthode GDS, le corps est conceptualisé en masse et en segments. La colonne vertébrale est donc reliée à la masse bassin et la masse cage thoracique.

Quand la masse bassin et la masse cage thoracique sont bien placées l’une en dessus de l’autre, cela permet de libérer les intermasses (qui sont les lombaires et les cervicales) mobiles et de générer une bonne mécanique respiratoire. Ainsi, les intermasses sont protégées et les masses principales bien reliées.

Même en Asie, la colonne vertébrale est importante, car c’est là que réside le Ch’i. Dans le domaine de la danse, le tronc est le centre de gravité, à partir duquel nos mouvements sont harmonieux. Dans la Movement Culture, on travaille la colonne vertébrale tous les jours.

Même dans la nature, dans les arbres, on part du tronc pour aller vers les extrémités. C’est le travail de l’intérieur vers l’extérieur.

Optimiser cette partie, c’est aussi optimiser la transmission de la force du tronc vers les extrémités. Si la colonne est résiliente, on va augmenter notre longévité.

Pourquoi est-il important de travailler sa force de préhension ? Comment peut-on développer sa poigne ?

La deuxième clé de longévité réside dans la force de préhension et la poigne.

La poigne sert à se rattraper quand on tombe. Lorsque la main est engagée, on a une meilleure stabilité à l’épaule. Il y a une relation réciproque des segments main-épaule.

C’est important de travailler la santé de ses mains, car on n’a plus l’occasion de se tracter, de se suspendre, d’escalader naturellement.

Nous manifestons nos pensées avec nos mains, nous créons des outils, nous faisons des gestes d’aller chercher et d’apporter à soi des choses. C’est cela qui nous rend ‘hu-main’.

Pour moi aussi, c’est une étape obligatoire de mon entraînement. Cela permet aussi de développer la force !

Pourquoi est-il fondamental de travailler ses pieds ? Comment travailler la capacité d’adaptation du pied ?

La troisième clé de longévité est de travailler ses pieds.

Souvent les coureurs, dans leur préparation physique, oublient de travailler leurs pieds. C’est pourtant la première ligne de défense, le premier membre en contact avec le sol. Mais on travaille rarement les mollets, les muscles au-dessus du tibia, la flexion des orteils…

Aussi, on croit la marche acquise dans notre évolution, mais ce n’est pas parce qu’on est adulte et bipède qu’on marche correctement. C’est la même chose avec la respiration.

Le pied doit se mettre au service de l’amorti. Il doit y avoir une large répartition de l’impact pour protéger la colonne. Mais comme les pieds sont prisonniers des chaussures, c’est peu souvent le cas. On devrait réapprendre à bouger pieds nus !

Pour aider à connecter ses pieds et sa tête, Jérémie utilise une balle pour “aller peindre la plante du pied”. Ce n’est pas masser avec dureté, mais aller explorer les sensations. Cela permet une meilleure plasticité neuronale car on va aller les chercher dans les fondations, dans les pieds.

Nous parlons de la danse qui est une pratique où le rapport pied-sol est très développé, notamment avec les mouvances comme la soft dance et le soft feet.

De quelle manière la posture de notre dos nous conditionne-t-elle au niveau émotionnel ? Quels sont les bienfaits d’apprendre à placer sa respiration dans le dos ?

La présence au dos est vite devenue une révélation pour Jérémie. Le Kung Fu lui a appris à aller respirer dans son dos pour conscientiser ce qui s’y passe. Il nous raconte un exercice pendant ses cours : assis sur une chaise, son professeur leur demandait de s’adosser, puis leur donnait des compliments. Ensuite, elle leur posait la question “Est-ce que vous vous sentez plus stable et complet au niveau émotionnel quand vous êtes appuyé ?”

Via l’aspect psycho-comportemental, quand la chaîne postérieure nous pousse en avant, on est dans le contrôle, dans l’avenir, dans le futur. Quand on est en train de s’enrouler, de presser vers l’arrière, on est plus dans l’intuition et la capacité d’aimer et d’être aimé. Pouvoir inspirer, puis se maintenir en arrière, c’est aussi pouvoir s’appuyer sur toute son expérience passée, pour pouvoir mieux se prédisposer à se projeter vers l’avant !

Il illustre son propos en parlant de la capacité des danseurs à projeter leur corps. Non pas en levant la cage thoracique, en se mettant en extension ou en se coupant de leur dos, mais en allant inspirer dans leur dos pour permettre au sternum de revenir dans la verticalité, de retrouver son centre en allant s’appuyer autant sur le postérieur que l’antérieur.

Jérémie donne un exercice pour travailler cette “activité core” :

  • Couchez-vous, fléchissez vos genoux, mettez vos pieds à plat.
  • Essayez de placer tout votre sacrum, le maximum de la masse de votre cage thoracique et la masse du bassin au sol.
  • Essayez d’aller augmenter la pression: à l’inspiration, on presse, à l’expiration, on densifie !

Quels sont les éléments à considérer quand on parle de posture ? Quel est le rôle des os dans l’apprentissage du mouvement ?

Jérémie nous parle de cette phrase toute faite : “Tiens-toi droit”. Mais qu’est-ce que ça veut dire exactement ? Il nous raconte un souvenir d’enfance, quand sa mère le lui disait en lui touchant le dos pour qu’il se redresse. Alors, ses directeurs du dos se redressaient spontanément, avant de s’affaisser quelques minutes plus tard. Ce qui se passait, c’est qu’il utilisait la pulsion de son dos pour se dire de se discipliner.

Mais ça ne fonctionne pas comme ça. Il ne sollicitait pas les bons muscles, ne mettait pas la bonne intention dans son corps pour que ce soit possible.

Les extensions du dos ne peuvent pas à eux seuls nous faire tenir droit, ni même les muscles : c’est la manière dont on place ses os.

Ce qu’il fallait faire, c’était attraper son esquillon droit pour le reculer un peu, et attraper son esquillon gauche pour le reculer aussi.

Ceux qui utilisent cette technique voient la différence. Dans le cas du bassin, c’est intéressant de pouvoir le descendre pour accueillir la pression de nos viscères, pour que la cage thoracique puisse ensuite venir se déposer dedans. On arrive à une position de repos !

“Si on connaît sa charpente au sol, si on a une meilleure représentation de nos segments et que l’on réussit à bien les disposer dans un rapport plus ou moins juste, il va y avoir une synergie musculaire, il va y avoir une synergie qui va s’installer dans le corps pour être bien disposé.”

A quoi sert le tapotage osseux ?

Le système de Jérémie est principalement orienté sur l’apprentissage de repères osseux. Il se sert des sensations pour placer ses appuis et organiser tout autour un mouvement. Parmi les outils qu’il utilise se trouve le tapotage : l’idée est de taper sur toutes les parties osseuses pour stimuler le corps.

Les os n’étant pas connectés au système nerveux, dans le sens où il n’y a pas de nerf qui va chercher de l’information, le feedback vient de l’enveloppe de l’os, le périoste. C’est un type de fascias – une membrane méconnue du corps dont David Scheidt nous parle plus en détail.

En faisant du tapotage, l’os vibre et réveille les périostes de quelques millimètres partout sur l’os. On peut alors s’arrêter et observer : Quelle est l’information qui nous vient ?

En stimulant la région autour, on peut tenter d’aller bouger la sensation que l’on vient de réveiller puis tout à coup, il y a de la finesse, de la douceur et de la précision. Il va y avoir un meilleur rapport entre les structures avoisinantes : la cage thoracique, l’épaule, la nuque, tout est connecté autour de cette région-là.

C’est un exemple de protocole que Jérémie utilise pour aider sa clientèle à développer une meilleure représentation et connaissance de leur corps.

Pourquoi est-il important de connaître les familles musculaires et comment peut-on les potentialiser ?

Ce qui passionne aussi Jérémie en dehors de la posture, c’est l’approche des chaînes musculaires et articulaires. Il nous raconte l’histoire d’une portraitiste belge des années 60, qui a été kinésithérapeute et ostéopathe, et qui faisait de l’anthropométrie, soit des analyses morphologiques et psychologiques. En collectant des informations auprès de ses patients sur leurs métiers, douleurs ou maladies, elle a réussi à faire des liens. Par exemple : tous les gens qui ont un tel type de problème au sacrum ont sensiblement le même métier ou le même type de profil psycho-comportemental.

Par l’observation, elle a construit de façon empirique une méthode pour être capable de segmenter le corps en différentes familles musculaires. On parle de chaînes myofasciales, fascias et muscles qui lient une articulation à l’autre dans des lignes de force.

Il existerait cinq familles de muscles qui permettent au corps de s’exprimer. Cependant, quand on utilise mal le corps, ces familles-là peuvent devenir des chaînes de tension et venir restreindre la mobilité.

Pour Jérémie, il est important de connaître ces familles et de les potentialiser ! Cela permet de s’assurer qu’elles puissent s’exprimer. “Si je suis limité dans mon expression corporelle, je suis donc limité dans la diversité et la qualité d’expérience que je peux vivre en tant qu’être humain.” Le corps et l’esprit ne font qu’un seul tout. L’idée d’avoir ces familles musculaires permet de comprendre son potentiel d’expression, tout en ayant sa propre façon d’utiliser son corps.

Il y a trois aspects majeurs dans la manière dont notre corps a été modelé :

  • L’héritage génétique
  • L’éducation, le mimétisme, les traumatismes et accidents
  • La façon dont on utilise notre corps au quotidien

S’il y a des aspects sur lesquels on ne peut pas travailler, on peut se concentrer sur notre posture au quotidien. Qu’est-ce que je fais au quotidien ? Qu’est-ce que j’actualise pour me permettre d’avoir un outil d’expression, c’est-à-dire un corps et un langage qui soit le plus diversifié possible ?

Travailler son corps, c’est se donner la possibilité de se placer au centre de soi-même et d’avoir un corps qui soit prêt à communiquer et à bouger.

En quoi notre posture impacte-t-elle à la fois notre vitalité, notre mobilité et notre adaptabilité ?

Je souligne l’importance de se concentrer pendant l’entraînement et d’être dans son corps. Pendant ce moment, je ne fais qu’un avec moi-même, avec mon corps et ma respiration. Le corps est un langage, c’est un vecteur d’expression et d’élévation, comme nous le disait Staiv Gentis.

Jérémie parle alors d’une expression qu’on lui dit souvent : “Je veux bouger avec toi pour me remettre dedans !” Mais si on veut se remettre dedans, mais sommes-nous où si nous ne sommes pas dedans ?

Il peut y avoir l’idée de se remettre au centre. C’est une aptitude à la fois physique mais aussi mentale : être au centre, c’est être disponible, présent, attentif à ce qu’on vit. C’est, en sortant de ce moment de présence, être satisfait de se dire qu’on a offert le meilleur de soi-même en se plaçant au centre de ce dont on est capable.

En posture, on va moins travailler sur le côté de la posture qui concerne le réflexe, mais plutôt sur l’approche du positionnement du corps et donc la prise de conscience de l’os. “Où suis-je positionné dans l’espace ? Si je suis capable d’avoir cette épaisseur-là avec le dos, si je suis capable de subtilité dans mon épaule, ça va être beaucoup plus facile de choisir de passer par-dessus quand c’est le moment de le faire ou de choisir de passer par en dessous quand c’est le moment d’appliquer cette disposition de l’épaule pour la technique que je vais faire.”

La posture est une notion répétée en Qi Gong ou en méditation. Quand le corps est bien disposé, qu’on respire bien, que tout circule avec cohérence… il y a de la vitalité ! Il y a de la mobilité ! Il y a de l’adaptabilité !

Comment peut-on travailler sa qualité de ressenti ? Peut-on augmenter notre capacité à percevoir la perception ?

Je me demande si dans ses cours, notamment via the Art of Agility, s’il parle d’élévation spirituelle ou d’équilibre émotionnel.

Jérémie nous explique que ses ateliers participent à un travail de prise de conscience, même s’il reste très tangible dans ses protocoles. C’est dans ses coachings individuels et ses suivis d’athlètes qu’il aborde plus profondément cette autre sphère associée à l’identité.

Pour une approche plus métaphysique, il conseille le livre Le sensible et le mouvement de Danis Bois. L’auteur évoque que la philosophie et la phénoménologie ont considéré les sens d’un point de vue extérieur, à partir de la pensée. Il y a donc presque un divorce entre entre pensées et sensations, objectif et subjectif. Il parle longuement de perception par rapport à tout ce que le corps nous envoie comme sensations : la matière peut se ressentir,car elle est sensible. Ce n’est pas la personne qui est sensible par rapport au corps, on est sensible parce que le corps est intrinsèquement sensible.

Quand on travaille le corps et qu’on est pleinement investi dans notre mouvement, on travaille à se connaître. On travaille donc proportionnellement sur la qualité de ressenti et de perception.

Mais que percevoir dans son corps ? Il n’y a pas d’analyses extérieures qui peuvent dire ce que l’on ressent à l’intérieur. Il s’agit de l’interprétation de l’expérience que l’on vit. Cela pousse à tester des choses : que se passe-t-il si on bouge sans s’arrêter ? Si on lâche les protocoles ? Peut-on bouger de manière illimitée quand on sait rester au centre de soi et se contenter d’observer sans juger notre interprétation ?

Comment sortir du focus lié au nombre de répétitions pour se concentrer davantage sur ses sensations ? Comment tendre vers l’épochè ?

Beaucoup de personnes ont une approche de la cérébralité dans leur pratique physique. On peut leur montrer des mouvements, ils vont se demander combien de répétitions il faut faire pour que cela fonctionne. Le problème, c’est que le principe de répétition met le focus sur le prochain chiffre et non pas dans l’écoute de son corps et de ses sensations.

Pour Jérémie, donc, la première chose est de sortir des répétitions. ”J’ai envie de dire aux gens : Fais-le jusqu’à ce que tu sentes qu’il n’y a plus de vitalité, que c’est chaud ! Au lieu de dire : J’ai l’impression de perdre les paramètres, je ne sais plus trop, il y a trop de fatigue etc !”

Dans ses cours, il construit un ensemble de repères et de sensations que ses élèves peuvent lier ensuite par l’ensemble, sans répétition. L’idée est de ramener son attention sur les sensations, pas d’être en train de compter.

Il nous parle ensuite du concept d’épochè qu’évoque Danis Bois dans son essai, c’est-à-dire la suspension des croyances, des idées et des préjugés. En arrêtant le flot habituel de nos pensées, on permet de tourner son regard de l’extérieur vers l’intérieur de soi, sur ce qui se passe dans la conscience, et de pouvoir en faire une expérience subjective sans jugement.

Il y a trois niveaux de présence du corps pour Jérémie :

  • La première sphère de présence, c’est se poser les bonnes questions : Est-ce que je suis capable de porter mon attention sur une région ? Qu’est-ce qui se passe si je stimule la région et que je refais un différentiel après ? Qu’est-ce qui a changé ? Comment je nomme les choses ?
  • La deuxième est associée à l’analyse et à la représentation : mon mouvement est ainsi, ensuite il sera comme cela.
  • La dernière sphère est liée à l’intuition et à la recherche de l’état de flow dans la création : on casse cette rigidité de l’analyse de la représentation ou cette trop grande écoute des sensations qui fait qu’on n’est pas en train d’être disponible à ce qui peut se passer sur le moment.

L’approche de Jérémie, c’est amener ses élèves à se poser les bonnes questions sans leur expliquer là où il veut les emmener pour ne pas qu’ils se mettent à penser. Leur donner la capacité de changer de perspective permet de les rendre autonomes.

La méditation se pratique-t-elle seulement dans l’immobilité ? Comment déterminer son style méditatif ?

Pour rester dans la thématique de la posture, Jérémie alterne sur le danger que représente la tendance de certains professeurs à diriger la posture de leurs élèves. Si l’élève ne découvre pas par lui-même comment se disposer, qu’il n’a pas de miroir ou que son coach lui montre une posture qui le fige… c’est compliqué. Les indications reçues devraient permettre au corps de “flotter” : les choses sont mises en relation, c’est plus facile de trouver son centre. Il n’y a pas une disposition idéale, mais un flot de questions qui mène à de la présence et de l’attention à ses sensations qui permettent de trouver la juste position.

Et puisque les gens ont du mal à rester attentifs, la méditation aide à ce niveau.

Jérémie s’est rendu compte que peu d’athlètes la pratiquait alors qu’elle permet une espèce d’équilibre où ils sont disponibles, présents et où ils peuvent changer la grille d’interprétation avec l’épochè, c’est-à-dire suspendre les pensées, les croyances, le jugement. Mais en réalité, c’est dans leur pratique physique qu’ils trouvent un autre état de conscience ou de flow. La plupart ne veulent pas méditer car ils ne veulent pas rester immobile.

Mais il existe plusieurs styles méditatifs. La méditation, ce n’est pas que garder les yeux fermés, en silence, à regarder la respiration. Elle peut se faire en mouvement, à l’extérieur, etc.

Jérémie aime présenter la méditation ainsi : elle permet d’améliorer la capacité à faire une seule chose pleinement à la fois. C’est une façon où l’on peut exceller, être présent à 100% dans son travail ou auprès de notre entourage. Ça nous rend fier. Penser ainsi change la perspective par rapport à l’importance de la méditation.

Ce qui l’a surtout aidé, c’est d’apprendre une technique concrète, se dédier à une pratique méditative qui résonne. Il nous parle de ses diverses expériences, et surtout de la Vipassana, qui lui a permis de développer sa capacité d’attention parce que c’était la technique qui a résonné avec lui.

J’interviens en mettant en lumière l’importance de la transférabilité de la méditation : être capable de se concentrer assis, c’est bien, mais il faut aussi être en mesure de transférer cette compétence dans nos entraînements et notre vie. L’attention, la capacité à être pleinement investi, si on les apprend, c’est pour les pratiquer dans la vie !

“Deviens le Mouver que tu es !”
~ Jérémie Fiset ~

La Routine Matinale Parfaite de Jérémie Fiset

Connecter avec son corps le plus tôt possible dans la journée, des orteils aux oreilles ! D’un bout à l’autre et pas seulement au niveau corporel, pour tenter d’aller voir si tout est cohérent ! Passer par cette routine qui nous fait tant de bien, qui nous active, qui nous fait nous sentir énergique et vivant dans notre corps :

  • Connexion = Est-ce que je suis capable de me connecter avec ce qui est disponible ?
  • Intention = Est-ce que je suis capable d’orienter mon attention ?
  • Incorporation = Quelle est ma capacité à incorporer (à mettre dans le corps) ?
  • Réconciliation = Faire un check-up = Quel est le mood ? Que se passe-t-il au niveau de mes sensations et de mes émotions ?
  • Allant Désirant = La prise de position = Quelle est la vibe que j’ai envie de mettre dans ma journée, dans ma pratique ou dans mon état actuel ?

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