Echange entre Jérôme & Slim autour de lieux dédiés au mouvement en Thaïlande
Nous commençons à parler de la Thaïlande, puisque je me trouve à Ko Pha-ngan et que Jérôme a connu Phuket en y encadrant une formation MovNat.
Comme l’un des intérêts d’un mouver en voyage est de trouver des lieux d’échanges et des espaces dédiés au mouvement, nous parlons de ceux que nous connaissons, comme le Thanyapura Sports & Health Resort, qui a accueilli Ido Portal, propose des structures pour les Jeux Olympiques, et avec lequel Jérôme a fait des collaborations. J’ai moi-même travaillé brièvement au Tiger Muay Thai & Mixed Martial Arts, toujours à Phuket.
Comment la méthode MovNat a-t-elle évoluée au fil des ans et quelles sont les orientations qui sont à venir ? Quelles sont les valeurs qui animent cette communauté ?
J’interroge Jérôme sur les collaborations qu’il fait à travers le monde. Si sur le blog, j’ai pu parler de l’aspect historique et technique de la méthode MovNat d’Erwan Le Corre, avec Jérôme, il est possible de glisser sur le terrain de ses évolutions et des valeurs de la méthode.
Jérôme nous explique que chacune des collaborations doit faire sens : il est en recherche de créer du lien, des relations d’humain à humain, et pas de ne penser qu’au business. MovNat a une volonté de créer une communauté mondiale : elle a commencé aux Etats-Unis avec Erwan, puis en Thaïlande avec Cédric “Vic” Verdier (à l’époque où les reporters français appelaient MovNat du Paléo Fitness), et désormais ailleurs, en Europe, et même au Brésil.
MovNat a une volonté d’aider la population générale et pas seulement l’élite.
Comment se positionne la Méthode MovNat au sein de la sphère Movement Culture et plus largement, au niveau de l’industrie du Fitness ? La Méthode MovNat est-elle adaptée à tous ?
Jérôme nous explique que la bulle “Culture Movement” est petite par rapport à l’industrie du fitness. Pour lui, la concurrence ne devrait pas être entre les Ido Portal, GMB Fitness, Animal Flow… mais plutôt contre les tapis roulants, les techniques d’isolation de mouvement ou le training fonctionnel.
Jérôme nous explique que l’approche de MovNat est de toujours se mettre à la place de celui en face de soi pour rendre la méthode adaptable. Il s’agit de décomposer le mouvement pour bien le faire comprendre. Dans son interview sur la chaîne de David de Limitless, il parlait justement du mouvement au sol, comme la roulade, et de l’importance de l’étudier avant de la faire.
Peut-on lutter contre le vieillissement ? Comment peut-on vieillir avec grâce et puissance ?
Puisqu’il arrive de toute façon, l’idée pour Jérôme n’est pas de mener une course contre le vieillissement, mais d’apprendre à profiter de sa vie pendant qu’on est là, sans douleur, avec agilité, bref d’apprendre à vieillir avec grâce et puissance ! L’hébertisme, duquel MovNat est issu, a la même volonté : pour Alexandre Borne, pouvoir bien vieillir est l’une des raisons pour laquelle il est fondamental de reprendre en main sa santé !
Pour cette raison, les formations MovNat utilisent les concepts de régression et de déconstruction des mouvements pour permettre de progresser en douceur et de créer des bases pour un corps solide et durable.
MovNat va à l’opposé de l’approche des sports de compétition qui laissent des traces sur le corps : “Il y a beaucoup de sacrifices faits pour obtenir une médaille car la performance va avec un coût et ce coût peut être moral, mental ou physique !” Jusqu’où est-on prêt à aller pour sa discipline ?
Mehdi Jaouari, pratiquant MMA, nous partage cette mentalité de “combattre à tout prix” et de mener une vie intense pour sa discipline, malgré les sacrifices que ça implique. L’approche du mouvement est un choix que chacun doit faire en conscience !
Le Wellness, ou l’importance d’aborder sa santé de manière holistique. Quels sont les domaines de la santé qui sont abordés au sein de la Méthode MovNat ?
Jérôme fait la différence entre Wellness et Fitness. Rester “fit”, en forme, c’est bien, mais la santé doit être abordée de manière plus holistique. Ce ne sont pas des nouveaux protocoles qui vont nous aider, mais des outils de base : l’alimentation, les douches froides, etc.
Vic, son mentor, utilise l’acronyme SEEDS : sleep, exercice, environnement, diet, stress.
Toucher ces points-là permet de soulever les bonnes questions : “comment tu dors, qu’est-ce que tu manges, qu’est-ce que tu fais ?” et de trouver des solutions sous le prisme du bon sens.
De nombreuses branches ont été ouvertes pour apporter de la crédibilité scientifique à cette approche, comme MovNat Medical qui permet un suivi par des médecins, des ostéo et autres praticiens afin d’aider les gens à reprendre en main leur santé.
Du côté de l’alimentation, MovNat a établi un partenariat avec l’entreprise canadienne Precision Nutrition.
Quels sont les éléments principaux qui constituent la méthode MovNat ? La liberté est-elle la valeur ultime pour le bien-être d’un individu ?
“J’aime bien cette devise qui est de tout faire avec modération, incluant la modération !”
Le corps n’est pas quelque chose de fixe : trouver ce dont il a besoin est un élément clé pour en prendre soin. Il faut donc s’adapter à sa forme, son état de fatigue mais aussi son environnement. Par exemple, si l’on est en déplacement, notre douche ne sera peut-être pas aussi froide qu’à la maison… il faut donc soit s’adapter, soit trouver une alternative.
La liberté est un moteur dans la vie de Jérôme. Toutefois, elle ne peut pas occulter la vie réelle, surtout quand on a des responsabilités, qu’on est papa… Jérôme nous explique avoir mis longtemps avant d’être un formateur à plein temps. Mais l’objectif d’être libre et de faire quelque chose qui lui ressemblait avait toujours été là et aujourd’hui, grâce à ses efforts, il a réussi.
La liberté est imprégnée dans la pratique même de MovNat : lors des stages de combat de Vic, des pratiquants sont déjà venus mordre leurs adversaires par surprise : “On n’apprend pas l’agressivité, on n’apprend pas la violence, on n’apprend pas la gestion de la violence parce que la violence, elle vient de nulle part, elle ne prévient jamais !”
Il y a aussi une telle diversité dans la pratique qu’on peut faire beaucoup avec eux. Il nous parle de l’un de ses stages qu’il a improvisé : “En quelques minutes, avec trois bambous, du sable et de l’eau, j’ai créé une demi-journée de jeux de mouvement et les gens ont adoré !”
Pourquoi faire preuve d’adaptabilité est-ce essentiel, lorsque l’on aborde sa pratique physique ?
Les récits de Jérôme m’inspirent et me rappellent le concept de Nassim Nicholas Taleb qui appelle Antifragilité la capacité à avoir confiance en soi pour se débrouiller et s’adapter devant n’importe quelle situation. Cela, associé au jeu et à la créativité, permet de créer des espaces d’apprentissage efficaces et épanouissants.
“Être autonome et pouvoir compter sur soi, et avoir de la joie dans le cœur en faisant les choses.”
C’est en lien avec le concept de modération dont nous parlions plus tôt dans le sens où la modération nous guide à pratiquer là où on veut et même à nous donner l’opportunité de ne pas le faire si on ne le sent pas.
C’est la leçon que lui a transmise Erwan lorsqu’il lui a fait passer la certification de niveau 3 :
“J’ai plus de 40 ans, je suis chef d’entreprise, j’ai des enfants, comme tout le monde, j’ai des des choses à faire toute la journée donc je m’entraîne beaucoup moins qu’à l’époque mais mon devoir envers moi-même, c’est de la maintenance de compétences !”
Il n’y a pas besoin de se mettre la pression avec la pratique : il y a des cycles d’intensité. Au début, on s’entraîne beaucoup, c’est normal. Mais passé un certain pallier, quand le corps possède déjà les compétences, c’est aussi bien de s’autoriser à ne s’entraîner que pour ne pas perdre ces aptitudes. Ou du moins quand on a une vision “long-terme” ! Ceux qui revendiquent l’intensité et la compétition auront un autre avis sur la question.
Un autre adepte de cette vision “long-terme” imposée à sa paternité, c’est Alain Couturier. Il nous partage son approche de ne plus voir le mouvement comme un entraînement cadré à respecter mais comme un style de vie : aller bouger quand on peut, dès que possible, pour se maintenir en forme et parce que ça nous fait du bien.
Jérôme nous parle de l’approche restaurative de la Méthode MovNat. De quelle manière la Méthode MovNat s’est-elle adaptée aux salles de gym ainsi qu’aux réticences de certaines personnes à pratiquer le mouvement naturel en extérieur ?
A ses débuts, MovNat attirait surtout les sportifs qui aimaient aller faire de l’activité en nature. Aujourd’hui, c’est une approche beaucoup plus restaurative puisqu’elle enseigne à tout un éventail de personnes, notamment celles avec des problèmes physiques.
Pour cela, la méthode a pu prendre une approche beaucoup plus inclusive et s’intégrer à des salles. C’est ce qu’a fait Hugo Colin en France avec Wolf Movement, qui se sert de divers outils (cubes, barres ou cordes) pour compléter la pratique.
Avoir des espaces dédiés au mouvement naturel en salle donne l’opportunité aux gens de jouer et de s’entraîner même quand les conditions météorologiques ne sont pas favorables.
Même si ce n’est pas l’idée de départ, il faut savoir faire des compromis et des concessions pour permettre aux gens de pratiquer.
Comment le mouvement naturel peut-il contribuer à nous rendre plus tonique, agile et mobile ? Peut-on se sentir mieux dans son corps à 40 ans, qu’à 20 ans ?
Tous les autres sports viennent du mouvement naturel. “C’est la base ! Si tu regardes comment un humain évolue, même en partant de petit bébé, aucun enfant ne se spécialise dans un sport tout de suite… Il va faire de la quadrupédie, il va rouler, il va passer beaucoup de temps au sol dans des positions les plus improbables, qui feraient peur à n’importe quel kiné !”
MovNat cherche à renouer avec ces mouvements des origines. Son but est de partir d’une position A pour aller à une position B avec un panel de transitions pour lier les deux.
Cette approche lui a permis de garder sa tonicité, son agilité. C’est une bonne base pour garder un corps solide et pouvoir s’amuser ailleurs, dans d’autres sports.
S’inspirer des enfants, c’est aussi l’approche de David Tan qui nous invite à prendre exemple sur eux, dans leur manière de vouloir rester au sol, de marcher pieds nus ou de ne plus manger quand ils sont rassasiés.
Comment la pratique du mouvement peut-elle révéler nos blessures passées et nos valeurs ? Le langage du corps peut-il tromper ?
“La liberté n’est pas contrainte qu’au mouvement, la liberté d’esprit et spirituelle, est une autre phase”.
Dans ses stages pour adultes, Jérôme fait beaucoup de théories et des jeux qui dégagent des valeurs et révèlent des parties de la personnalité de chacun.
“Le mouvement que vous montrez maintenant, reflète votre enfance, reflète votre passé, reflète si vos parents vous ont donné confiance ! Tu peux bien me raconter tout ce que tu veux, mais le langage du corps ne trompe pas…”
Travailler le mouvement, c’est aussi ouvrir les gens à eux-mêmes, à leurs blessures du passé, à leurs croyances limitantes. Comme le dit mon ami Staiv, le corps est un vecteur d’élévation et de guérison !
Jérôme nous raconte sa chute spectaculaire d’une falaise : quelles ont été les répercussions sur son corps, son esprit et son cœur ?
Je me demande si MovNat a également une approche spirituelle. Pour sa part, Jérôme est quelqu’un de très pragmatique ; Erwan lui dit d’ailleurs souvent de plus s’ouvrir aux choses, aux “feelings”.
Il nous raconte la fois où il est tombé d’une falaise. Malgré une chute de huit mètres, il ne s’est cassé que la main. C’est encore un mystère pour lui de n’avoir eu rien de plus !
Avec Erwan, ils se sont dit que sa capacité inconsciente à bouger grâce à ses nombreux entraînements lui ont peut-être permis de faire les gestes qu’il fallait pour éviter le pire. “Mais on peut dire aussi qu’il y a une force au-dessus qui nous aide, que ce n’était pas mon heure, des choses comme ça…”
Pourquoi les certifications en ligne ne remplaceront-elles jamais les stages en présentiel ?
Jérôme nous conte l’histoire d’un de ses élèves qui a pu compter sur le soutien de son groupe quand sa femme l’a plaqué en plein stage et qu’il risquait de tout lâcher. Cet élève a terminé le stage en disant “MovNat is my home.”, MovNat est ma maison.
Jérôme appelle souvent les stages des “mini cycles de vie” : “au début, on naît, on ne sait pas ce qui se passe, puis on apprend à se connaître, on vit alors une vie pleine et puis on réalise que c’est déjà la fin… Et c’est magnifique à voir !”
Les stages en présentiel ont un côté humain inégalé. Ils permettent la création d’un groupe qui se soude au fur et à mesure, d’une communauté de gens qui nous ressemblent. Ce sont des moments qui redonnent de la vitalité. Je crois que c’est ce que de plus en plus de personnes recherchent : impliquer des gens dans un projet commun pour grandir et s’élever ensemble.
C’est l’approche vers laquelle je veux diriger la COMMUNAUTÉ™ MOUVERS : organiser des évènements en présentiel pour que chacun puisse se rencontrer, partager et avancer ensemble.
Comment se déroule une retraite MovNat “Reconnect Retreat” ?
Même si aujourd’hui, MovNat n’a pas de structure fixe qui lui soit entièrement dédié, il existe des lieux affiliées : la salle d’Hugo Colin à Montpellier, ou Zafra Nature Reserve à San Rafael en Colombie
C’est là-bas que s’organise sa retraite de 4 jours “Reconnect”. Chaque jour se base sur un archétype à travailler, comme le Sage, le Lover, l’Explorateur, le Héros…
Par exemple, travailler sur le Lover, c’est montrer de l’amour à la nature et aux autres tout en pratiquant : comment aider les autres, comment être reconnaissant face à la nature, etc…
Travailler sur le Héro, c’est faire de la survie, du combat, se défendre dans l’eau via des simulations de noyade, etc…
Les substances de type Ayahuasca sont-elles le moyen le plus efficace pour élever sa conscience ?
J’aborde le sujet des psychédéliques pour savoir si c’est une approche qui intéresse Jérôme dans sa démarche de développer sa relation avec l’environnement et d’ouvrir son cœur.
Il nous raconte son expérience avec l’Ayahuasca en Colombie et, s’il est content d’avoir vécu une expérience chamanique, mais le fait d’absorber des substances n’est pas quelque chose qui lui parle. Il donne de la nuance en disant que certains en ont peut-être besoin pour dépasser des traumatismes, mais ce n’était pas son cas.
Pour lui, ça l’empêche de réfléchir et de réellement se rapprocher du spirituel, de Dieu. Il veut y arriver sans ça ! “Je pense plus au côté pur de me dire que Dieu et moi pouvons nous connecter, sans avoir besoin d’artifice…”
De fait, on peut accéder à des états de conscience modifiés sans avoir recours à des substances psychédéliques : Dylan Rousselet, ou encore Charlotte Dupinay nous racontent leurs propres expériences provoquées par leur travail sur la respiration.
La Pratique Physique : Pourquoi est-il nécessaire de se focaliser davantage sur le processus, plutôt que sur le résultat ? En quoi les réseaux sociaux sont-ils trompeurs ?
Pour ma part, si je devais m’intéresser aux psychédéliques, ce serait pour pratiquer l’exercice du non mouvement. Être dans la capacité à contempler, à rendre grâce… être dans une approche presque philosophique pour comprendre ma place dans un environnement qui me dépasse. Et une fois cela questionné, pourquoi ne pas me diriger vers un traitement de ses ressources, via la permaculture, la chasse, la cueillette… je me laisse l’opportunité d’y réfléchir !
Pour Jérôme, ne pas vouloir s’appuyer sur les psychédéliques, c’est valoriser le travail long et fastidieux.
“Les cérémonies chamaniques, pour moi, c’est une manière d’aller vite vers la solution, de faire un gros reset maintenant, tout de suite, comme un un shot, comme une pilule, comme un médicament !”
Souvent, sur les réseaux sociaux, les gens ne voient pas le travail en amont ou la difficulté qui a été traversée. Rien ne se fait du jour au lendemain.
Jérôme nous raconte que comme il n’avait pas pu accéder aux stages MovNat tout de suite, il a commencé à regarder des vidéos gratuites qu’il pratiquait dans le parc devant chez lui. C’est le chemin qui est important, car c’est lui qui mène au résultat !