Quels enseignements peut-on tirer de la Légion Étrangère, ce corps d’élite de l’armée français ?
Comment extraire certains principes de vie, applicables dans ton quotidien pourtant si éloigné de celui des légionnaires.
Je m’appelle Martin Haas, je suis le fondateur de The Movement Club. Je suis professeur de mouvement et ancien instructeur à la Légion Étrangère.
Dans cette série d’articles publiés sur le Blog des Mouvers, je te partage mon expérience militaire au travers d’outils concrets que tu peux utiliser dans ton entraînement et ton quotidien.
Le point de départ sera toujours une anecdote tirée de mon expérience à la Légion Étrangère. On va en extraire un principe général. Puis, je te donnerai des tactiques pour mettre en place ce principe dans ton quotidien.
Le contexte de la Légion Étrangère
Mon premier article traite de l’importance d’être à l’aise dans l’inconfort.
J’y raconte comment les privations temporaires permettent de réajuster ta sensibilité au confort et au plaisir pour mieux apprécier ton quotidien. J’explique la marche à suivre pour développer ta capacité à tolérer les privations, et comment le transformer en quelque chose de positif.
Dans cet article j’aborde une autre idée fondamentale pour les militaires. On peut la concentrer dans cette maxime : être et durer.
Cette idée infuse dans la culture des armes françaises. Elle est le résultat d’une tradition militaire de plusieurs siècles qui attend de ses soldats qu’ils soient capables d’endurer des conditions difficiles sur la durée.
Mais aussi qu’ils fassent preuve de capacité d’adaptation, d’autonomie et de discernement face aux exigences du contexte dans lequel ils évoluent.
Quand on part faire un exercice sur le terrain pendant 2 semaines, les journées sont passées dehors, parfois dans des conditions climatiques difficiles. Le chef attend de ses hommes qu’ils soient professionnels et performants pendant l’intégralité des deux semaines.
Charge à eux de gérer leurs niveaux d’énergie et de prendre en charge la bobologie (ampoules, coupures etc…).
Comment l’idée “être et durer” peut être utile à une personne civile ?
La longévité et l’entretien de ses capacités physiques permettent de vivre pleinement et de profiter de toutes les opportunités que nous offre la vie.
La possibilité d’être actif pendant des années sans être limité par des blessures trop graves permet de transformer notre physique et la relation qu’on cultive avec notre corps.
Le corps est le vaisseau avec lequel nous traversons la vie. S’il fonctionne bien, on peut partir à l’aventure sereinement.
Si au contraire, il est en mauvais état, nous devrons rester à quai et regarder les autres partir explorer d’autres horizons.
Si tu n’as pas le temps de lire l’article en entier maintenant, télécharge gratuitement le PDF et je t’offre en bonus la check-list que j’utilise pour devenir performant sans me blesser.
Se dépasser ou se reposer ?
Le dépassement de soi
Le dépassement de soi est souvent mis en avant quand on parle de la Légion Étrangère. C’est effectivement une valeur importante qui permet de cultiver l’excellence parmi ces soldats venant des quatre coins du monde.
D’engagé à légionnaire
Cette valeur de dépassement est primordiale pour initier la mue de l’engagé en légionnaire.
C’est une transformation complète qui va au-delà de la coupe de cheveux ou de l’uniforme et qui comprend un ensemble de valeurs, de comportements et de réflexes à intégrer.
L’engagé va dépasser la notion d’inconfort en dormant dans la neige, en étant réveillé à 3 heures du matin par des grenades d’entraînement ou en courant avec un sac à dos sous 40°.
Il devra aussi dépasser ses peurs en traversant des câbles métalliques tendus à 10 mètres au-dessus du vide.
Placer le dépassement de soi au cœur de l’instruction donne le goût de l’effort.
Ça permet de parcourir 20 kilomètres avec un sac à dos de 20 kilos et le sourire aux lèvres. C’est aussi ça qui pousse les légionnaires à se dépasser à chaque épreuve sportive, sans jamais chercher à s’économiser.
Le dépassement de soi nous amène aussi à dépasser certaines douleurs. La Légion Étrangère encourage une forme de stoïcisme face à la blessure. On évite autant que possible de se plaindre.
On “verrouille le cerveau”.
Mon anecdote nous ramène à un mois de janvier particulièrement froid. Ma compagnie était partie pour un exercice d’aguerrissement. Nous dormions dans la neige, sans tente et mangions froid.
Après deux semaines dans ces conditions, j’ai commencé à ressentir une tendinopathie au tendon d’Achille. Probablement liée à la rigidité des rangers qui gelaient chaque nuit et à une mauvaise gestion de mon hydratation.
Le fait est que je n’ai pas réussi à m’en défaire pendant les mois qui suivirent. Puis est arrivé le biathlon. C’est une course qui combine environ 10 kilomètres course à pied avec équipement (treillis – rangers, sac, casque et arme) et épreuves de tir.
Je n’ai pas signalé que mon tendon était douloureux car je voulais participer à la course. L’autre option, aller à l’infirmerie pour me plaindre et me faire dispenser n’était pas une option que je voulais considérer.
Donc je n’ai rien dit et j’ai participé avec les autres. Je me suis donné à fond, cherchant à doubler le plus de personnes possible. J’étais d’ailleurs le premier surpris en voyant que je pouvais aller plus vite que beaucoup de mes camarades.
Principe : Forcer l’adaptation
Le changement est toujours provoqué en réponse à un stress extérieur.
Le stress est défini comme un état réactionnel de l’organisme soumis à une agression brusque.
C’est une réaction interne face à un stimulus externe. Comme l’engagé réagissant au stress que représente son entrée à la Légion accompagnée d’un bouleversement de ses repères.
Notre corps passe par le même mécanisme quand on s’entraîne. Nous appliquons un stress sur nos muscles en leur demandant de fournir un effort important. Une réaction d’adaptation suit ce stress.
On devient plus fort.
Dans les deux cas, l’adaptation ne peut pas avoir lieu sans cette contrainte extérieure. On ne devient pas militaire en regardant des documentaires, on a besoin de l’instructeur pour nous mettre la pression qui va nous forcer à changer.
C’est la même chose pour l’entraînement. On ne développe pas sa force en regardant les autres s’entraîner.
Il va falloir soumettre son corps à l’effort pour qu’il change.
Conseil pratique : Rendre des comptes pour se dépasser plus facilement
La volonté de se dépasser est un allié précieux pour atteindre nos objectifs. Considère les choses au-delà du physique. Développer sa vie professionnelle, spirituelle ou sociale demande aussi des efforts.
Quand on n’est pas prêt à se dépasser pour s’améliorer, on ne peut espérer que stagner. Faire les choses à moitié n’amène pas de résultats.
Raisonner et te convaincre que tu te donnes les moyens d’atteindre tes objectifs ne change pas la réalité.
Une excellente tactique pour se dépasser est de créer une contrainte sociale extérieure en trouvant une personne à laquelle tu rendras des comptes.
Tu as plusieurs options pour ça :
- Engager un coach
- Choisir un proche qui veillera que tu fasses les efforts nécessaires
- Prendre un engagement envers ta famille
On va créer un engagement auprès d’un tiers qui va nous empêcher d’abandonner à la première difficulté.
On peut se considérer comme une personne disciplinée et balayer d’un revers de main l’importance de ce point. Mais c’est une erreur de surestimer sa capacité à s’autocontraindre.
Trouve-toi une personne à laquelle rendre des comptes.
La récupération
Sans entretien, le matériel casse
Le soldat français est un professionnel de l’entretien.
On plaisante souvent à ce sujet en disant qu’avec le peu de moyens dont dispose l’armée française, il n’a pas vraiment le choix. Certains matériels opérationnels ont d’ailleurs largement plus de 20 ans.
Cela donne parfois lieu à des scènes absurdes. Après chaque séance de tir, on nettoie les armes avant de les réintégrer à l’armurerie. Ce qui pourrait être une simple formalité se transforme en un exercice à part entière.
On démonte les armes puis nettoie chaque pièce de la poudre qui s’infiltre partout. Il n’était pas rare que ces marathons de nettoyage durent plusieurs heures. Le contrôle de la propreté se faisait en passant un coton-tige dans les recoins les plus cachés. S’il ne ressortait pas blanc, on recommence.
C’est certainement cette obsession pour l’entretien qui permet au matériel de continuer à fonctionner pendant plusieurs décennies.
Le matériel n’est d’ailleurs pas le seul à casser si on ne l’entretient pas. Le corps suit la même règle.
Après avoir couru le biathlon malgré mon inflammation du tendon d’Achille, impossible de marcher. Avec le recul, je devais m’y attendre. Mais sur le moment, serrer les dents et avancer me paraissait être la bonne option.
J’étais encore plus diminué et cette fois, impossible de cacher ma blessure. Le médecin m’interdira de courir pendant deux mois et je ne pourrai pas participer au stage le plus important de l’année.
Principe : Sans récupération pas d’action
La préparation physique se compose de 3 phases
- Le stress : Le corps fournit un effort
- La récupération : Le corps se repose
- La surcompensation : Le corps développe une capacité supérieure
Ces trois phases sont indispensables. Pour se mettre en place, la surcompensation nécessite le stress et la récupération.
Si on fournit un effort régulier sans introduire de phase de récupération, l’organisme sera de plus en plus fatigué. Bientôt il ne pourra plus absorber le stress de l’entraînement et on se blesse.
Il faut comprendre que la récupération sert donc le dépassement de soi. Ce sont des notions complémentaires et pas opposées.
Il est important de rappeler cette idée aux personnes qui sont orientées vers la performance et qui ne veulent pas dévier de leurs engagements. Une description qui correspond à bon nombre d’athlètes et de militaires.
C’est la fameuse Loi de L’Hormèse dont parle Pierre Dufraisse (EP. 23), un autre invité du Podcast.
“Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort… Si et seulement si, ce stress est suivi d’un temps de repos adapté” ~ Pierre Dufraisse
Conseil pratique : La récupération fait partie de ton entraînement
La récupération ne va pas à l’encontre de ton entraînement. Au contraire elle augmente ses résultats. Considère-la, comme faisant partie intégrante de ta préparation physique et surtout ne la néglige pas.
Sois à l’écoute de ton corps pour prendre soin des petites gênes qui commencent à apparaître avant qu’elles ne se transforment en blessures.
D’autant plus qu’une petite action de prévention effectuée à temps évite de devoir se lancer dans une rééducation de plusieurs semaines si on laisse traîner.
Pour faciliter cet état d’esprit, tu peux construire une routine de récupération ancrée dans des habitudes concrètes.
La répétition quotidienne de petits gestes a un effet cumulé qui produira des bénéfices importants sur ta récupération.
Les aspects à garder à l’esprit sont :
- Hygiène de sommeil
- Hydratation et alimentation
- Exposition à la lumière naturelle
- Mobilité
Choisir le mode adapté – Devenir antifragile
On a vu que le dépassement de soi permet de créer les conditions nécessaires au changement. Il est facilité si on doit rendre des comptes à quelqu’un plutôt que chercher à s’autodiscipliner.
Cet effort représente un stress pour l’organisme. La récupération qui suit est primordiale pour que le corps se repose et passe par la phase de surcompensation qui le rend plus fort.
Les deux phases sont donc aussi importantes l’une que l’autre.
Mais comment s’assurer qu’on navigue correctement entre les deux ?
Théorie des haltères de Nassim Taleb
La théorie des haltères développée par Nassim Taleb donne un éclairage sur la gestion de l’entraînement et de la récupération.
Sa théorie porte ce nom car le modèle qu’elle suit peut être représenté par une forme d’haltères : large aux extrémités et fine au milieu.
Cette image soutient la thèse qu’on devrait passer du temps dans les extrêmes car c’est ici qu’on se développe. Rester au milieu serait contreproductif et dangereux sur le long terme.
Prenons 2 exemples concrets. Jean-Jacques fait une séance pendant laquelle il soulève des charges lourdes puis fait une sieste. Pierre fait un footing léger et dort peu la nuit.
Jean-Jacques navigue d’un extrême à l’autre quand Pierre reste au milieu.
L’antifragilité fait référence à un organisme qui répond à un stress en devenant plus fort. Deux conditions sont nécessaires pour cela :
- Le niveau de stress doit rester sous un certain seuil pour être absorbé
- Le stress ne doit pas être continu sinon l’adaptation n’est pas possible
Plusieurs Mouvers invités du Podcast ont mentionné les travaux de Nassim Taleb et ont même recommandé certains de ses ouvrages que je t’invite à te procurer dans la Bibliothèque des Mouvers pour en apprendre plus sur cette notion d’Antifragilité.
En pratique : Deviens antifragile
Le corps est fait pour fournir des efforts importants s’ils sont suivis de période de récupération aussi intense. Fais comme Jean-Jacques et pas comme Pierre. Entraîne-toi fort et repose toi aussi fort.
Pour se développer dans un extrême (l’effort intense), il faut passer du temps dans l’autre extrême (repos de qualité). Ne faire qu’un ou l’autre n’apportera pas le même résultat.
Si je ne fais que m’entraîner sans dormir je vais me blesser. Si je ne fais que dormir sans m’entraîner je ne vais pas développer un corps en bonne santé. Je finirai d’ailleurs par me blesser.
Une erreur tentante serait de rester dans la voie du milieu. La modération est souvent présentée comme une qualité mais je ne suis pas forcément d’accord.
La modération pourrait prendre cette forme : s’entraîner peu, ne pas développer de routine de récupération solide et rester à un niveau de stress moyen mais constant.
Cela ne fonctionnera pas car le niveau de stress n’est pas suffisant pour initier un changement de l’organisme. Il n’aura pas non plus l’occasion de récupérer complètement.
On reste dans un état de fatigue moyenne permanente qui sera de plus en plus difficile à supporter. À moyen terme l’organisme risque de lâcher.
Si tu portes un verre d’eau à bout de bras ce n’est pas un effort intense. Mais si tu dois tenir ce verre à bout de bras pendant toute la journée, son poids deviendra insupportable.
C’est ce qui se passe au niveau de notre organisme quand on est soumis en permanence à une forme de stress.
On peut complexifier à l’infini ces idées mais si je devais les résumer en une phrase je dirai :
Entraîne-toi intensément. Puis focalise-toi sur ta récupération. Et recommence quand tu es à nouveau capable de t’entraîner intensément.
Pour t’aider à appliquer la théorie des haltères au quotidien, je t’offre la check-list que j’utilise pour devenir performant sans me blesser.
Martin Haas
www.the-movement-club.com