Le point de départ d’Alex Tsuk avant la vie à Bali
Alex nous raconte tout d’abord sa décision de vivre hors de France, cinq ans au Laos, six ans en Inde et désormais en Indonésie. Il souhaitait offrir à ses deux enfants un autre environnement que celui de la matrice française. Bali lui a semblé un choix indiqué, puisqu’il s’agit d’un lieu développé mais avec un grand accès à la nature.
Il n’est pas le seul mouver à avoir décidé de sauter de le pas et de quitter la France. Inspiré par ces expériences de vie à l’étranger, j’ai décidé de tourner des épisodes spéciaux, dédiés à ces pays choisis par ces français pour y poursuivre leur chemin loin de leur pays natal. On peut y retrouver la Thaïlande avec Nicolas Ravenelle, le Japon avec Pierre Dufraisse, ou même le Brésil avec Thibault Marino
Qu’est-ce qu’Alex a pu extraire de ses aventures balinaises à intégrer dans sa parentalité ?
Être un parent dans un pays étranger est une expérience intéressante pour observer les différentes habitudes de vie et autres mentalités entre son pays natal et son pays d’accueil. De la même manière que Evodie Koolstra nous racontait les différentes approches de la parentalité entre la France et la Hollande, Alex nous parle de la manière dont la vie balinaise a déjà permis un changement profond dans l’éducation de ses enfants par rapport à celle qu’ils auraient eu en France.
« Je suis l’étudiant et l’enfant est le teacher ».
Alex ne souhaite pas être dans la transmission. Il ne donne pas de conseils à ses enfants. Il est là pour les accompagner et les laisser faire leur chemin sans jugements. Pour lui, chaque enfant a une graine d’adulte en lui. C’est pourquoi il faut veiller à les traiter comme des humains et comme des adultes.
Il compare alors l’école française et balinaise : il y a davantage de diversité à Bali, mais elle n’est pas pointée du doigt comme en France. De la même manière, il trouve qu’il y a beaucoup moins de conditionnement sur la manière d’éduquer les garçons et les filles : ils peuvent jouer ensemble sans qu’on cherche à y avoir davantage que de l’amitié.
Aussi, Bali leur permet une plus grande liberté. Tant dans le mouvement, car ses enfants peuvent se déplacer pieds nus et ainsi renforcer leur mobilité articulaire, que dans leurs expériences de vie. Alex ne cherche pas à leur faire vivre uniquement les bonnes expériences et à les protéger des mauvaises. Leur indépendance leur permet de gérer des crises par eux-mêmes et si celles-ci amènent des émotions compliquées, il en parle avec eux.
Pour lui, l’important est de ne pas réprimer les émotions. Vivre les émotions négatives permet de vivre pleinement les positives. Et pour éviter d’aller chercher des outils extérieurs pour les ignorer (que ce soit par les drogues ou même le sport), il invite à trouver des pratiques pour aider traverser ces émotions. « Vivre longtemps n’est pas le but : c‘est vivre maintenant ! ».
Comment vivre une vie remplie alors ? Sans chercher le contrôle ou la course à l’excellence, et en se laissant l’occasion d’exprimer ses émotions.
Comment aborder la vie physique et la vie digitale avec ses enfants ?
A cette question, Alex me répond que c’est à la fois facile et impossible. « Ils ne font pas ce que tu dis, ils font ce que tu fais. A toi d’être le héros que tu veux que tes enfants suivent. ».
La clé est d’aller en quête de son propre plaisir et de sa propre joie. Il ne passe pas tout à ses enfants : il s’occupe de lui-même d’abord pour offrir l’exemple de s’occuper de soi à ses enfants. Quand il joue à la Playstation ou regarde Netflix avec eux, c’est parce qu’il en a envie. Quand il passe des weekends en nature et va voir des amis avec eux, c’est qu’il en a envie aussi.
Yacine Bouaissa aborde cette thématique délicate avec une approche différente, mais une conclusion similaire : on ne peut pas couper ses enfants du monde digital, mais on peut faire en sorte qu’ils aient une vie suffisamment remplie dans la vie physique pour qu’ils aient envie de la vivre pleinement.
Alex partage un message pour les parents inquiets de mal faire : « Ne t’inquiète pas, quoi que tu fasses, ça va être la catastrophe, ils vont avoir besoin d’un psy. » Il est important de déculpabiliser et d’accepter de se tromper. Pour lui, savoir dire pardon après avoir fait une erreur c’est essentiel. Cela permet d’enseigner à ses enfants que c’est normal de faire des erreurs. Car finalement, ce n’est pas à cause des erreurs qu’on nous en veut généralement : c’est à cause de notre incapacité à les admettre et des mensonges qu’on dit pour s’en protéger.
Nous abordons brièvement le cas de l’enseignement. Pour Alex, c’est proposer une aventure et un chemin d’exploration. C’est savoir admettre « Mon chemin n’est pas le seul chemin, tu peux aller ailleurs. ». Il est essentiel de remettre au centre l’intégrité et la responsabilité personnelle et la sincérité dans nos interactions.
La discipline équivaut-elle à la liberté ?
Je pose cette question en référence aux paroles de Djoko Willink, auteur d’Extreme Ownership : « Discipline equals freedom ». C’est d’ailleurs une citation que je reprends dans l’une de mes trente leçons de vie que j’ai partagé à l’occasion de mes trente ans.
Du point de vue d’Alex, la discipline peut être beaucoup de choses, comme l’authenticité. Et pour la maintenir, il faut une routine. Pour cela, la clé, c’est de rester dans la féminité et de reconnaître le masculin. Il nous explique que l’énergie féminine lui permet de se connecter à la créativité et au flow, et pour cette raison il garde la danse comme une pratique quotidienne importante. En dansant, il reste dans la matière, car il ne sait pas quels mouvements vont venir. L’énergie féminine permet de dire “oui” à plein de choses. Elle est complémentaire avec l’énergie masculine qui se base plus sur la connaissance et qu’il mobilise pour sa pratique du froid.
Car devenir un anti-fragile, c’est aussi remettre l’humain et la vulnérabilité au centre de tout. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut être à l’écoute de son système nerveux et immunitaire et ainsi pouvoir durablement s’adapter à son environnement en acceptant son état sur le moment. Composer avec notre état nous prépare mieux à ce que nous affrontons pendant la journée, car nous avons conscience de nos limites.
Alex nous explique qu’il existe plein d’outils permettant de savoir où on en est dans notre état intérieur, notamment la respiration et les bains glacés qui nécessitent un lâcher prise total.
L’effet de mode autour du froid et du breathwork peut-elle dénaturer leurs pratiques ?
Alex n’a aucune inquiétude à ce sujet. Pour lui, si cette effervescence permet d’être un point d’entrée pour des personnes, alors tant mieux. Ces disciplines ne vont pas résonner avec tout le monde, mais elles attireront ceux et celles à qui elles serviront.
Cet effet de mode est très présent à Bali. Alex nous raconte qu’il a formé la plupart des formateurs de l’île et que certains font mieux financièrement que lui grâce au marketing et au fait qu’ils n’ont pas eu de scrupules à copier son programme. Mais face à cela aussi, Alex préfère lâcher prise. Il n’a pas de contrôle sur ces choses-là et préfère le prendre comme un compliment.
Enfin, nous abordons Wim Hof qui a contribué énormément à la popularisation du froid par ses exploits et son côté irrévérencieux.
Quelle est l’approche d’Alex dans ses formations ?
Sa méthode de respiration Breathing Cold est dérivée de celle de Wim Hof, mais il l’a développée de sorte à ce qu’elle devienne un outil quotidien. Il propose des entrainements de deux jours pour comprendre comment fonctionne le corps via la respiration ou des entrainements de trois semaines pour aller au fond des choses.
Il ne cherche pas à ce que les gens reviennent travailler avec lui. Idéalement, une session suffit : il donne tout pour rendre ses élèves autonomes.
Son approche se caractérise en plusieurs point:
- Elle est d’abord scientifique. Le problème principal des gens se trouve dans leur tête. Utiliser la science, donner suffisamment d’explications permet d’aller chercher ses élèves dans le cerveau, là où ils sont, pour les mener vers leur corps.
- Elle est empathique. Il se distingue d’autres professeurs plus “impressionnants”, comme Wim Hof capable de rester deux heures dans le froid, en se plaçant comme un Monsieur Lambda. Il cherche à montrer que si lui peut le faire, tout le monde peut le faire.
- Elle est expressive. Alex cherche à débunker le modèle du Superman coupé de ses émotions. Pour lui, le vrai Superman est celui qui les vit. C’est pour cela que, lorsqu’il entre dans des bains glacés, il exprime sa souffrance par des cris. Il montre la réalité telle qu’elle est : l’eau glacée est douloureuse ! Il faut arrêter de prétendre que tout va bien.
- Elle est humaine. Alex nous raconte une session qu’il a eu avec des bodybuilders. En tout début de séance, il a mis en place un cercle de paroles où certains, sous son exemple, se sont mis à se confier et à pleurer. Avant même de passer aux bains glacés ! Le travail avait déjà été entamé : pour Alex, l’objectif des bains est avant tout de se connecter à soi pour s’ouvrir aux autres et arrêter de faire semblant.
Le parcours de Alex avant la création de son entreprise
Alex nous raconte sa situation de vie compliquée à ses débuts à Bali, avec son mariage qui battait de l’aile et son business hôtelier qui ne fonctionnait pas, et la décision de sa psychologue, devant qui il restait fermé, de l’envoyer faire de la respiration à Ubud. Réfractaire à cette expérience, il ne se passait rien en lui pendant la séance, pire il était dérangé par une femme qui avait réussi à avoir un orgasme. Ce n’est que quand il a décidé de se prendre au jeu qu’en une seconde, il a compris tout ce qui n’allait pas dans sa vie. Après avoir pleuré pendant une heure et demi, il a décidé de tout changer dans sa vie.
Suite à cette expérience, il a eu le besoin de faire une quête de science. Il en a conclu qu’en étant témoin de l’orgasme de cette femme, il avait vécu une scène que son cerveau ne comprenait pas. Il n’était donc ni dans le passé, ni dans le futur. Il a réussi à créer un espace de vide à l’intérieur de lui pendant quelques minutes. Pour lui, c’est de cela dont nous avons besoin : de se créer cet espace, peu importe la technique (Vipassana, Qi Gong, Mobilité), tant qu’on arrive à revenir dans son corps. Il apprécie particulièrement la respiration puisque c’est accessible à tout le monde.
Quelles sont les bienfaits scientifiques du froid ?
A l’opposé de Wim Hof, qui prône le contrôle pour calmer le système nerveux, Alex utilise le froid pour lâcher le contrôle. Il préfère se diriger vers les émotions, les tensions du corps et la panique pour trouver le relâchement.
Le froid a d’autres bénéfices plus généraux :
- Il réduit les inflammations pour une récupération physique plus rapide
- Il est bon pour la peau et les cheveux
- Il permet de rééquilibrer sa mélatonine. Alex recommande de prendre un bain glacé le matin pour augmenter sa température corporelle et un bain chaud le soir pour la baisser.
- Il est relaxant, détoxifie et relâche les tensions.
Dans son enseignement, c’est aussi au sortir du bain que le bénéfice se fait. Mais la pratique du froid comme il l’enseigne peut être dangereuse : elle se fait uniquement dans un environnement chaud, comme à Bali, car il faut être capable de se réchauffer vite.
Alex nous explique que lorsqu’on sorti du bain, le corps tremble en réaction. C’est un gros effort du métabolisme. La température du corps descend à 36° et on entre en “mode panique”. C’est là que vient l’originalité de l’approche d’Alex : il invite à ne rien faire à part s’asseoir et plonger dans la panique en attendant de revenir en homeostasie. “It’s okay not to be okay”. Par cette approche, on choisit de ne pas être bien, même si on a tout à disposition pour être mieux. On choisit de risquer de mourir. On se retrouve face à soi-même.
Affronter ce qui nous arrive nous permet de ne plus être fragiles. Alex va même plus loin en nous invitant à accueillir tout ce qui se passe avec joie ! Il nous donne l’exemple d’un séjour à l’hôpital qu’il a décidé de considérer comme l’expérience la plus transformatrice qu’il allait vivre.
Tout son approche se résume en une phrase : il cherche à utiliser la douleur physique pour accéder à la douleur émotionnelle qu’on ne veut pas vivre. La douleur musculaire protège la douleur émotionnelle en dessous. Il nous donne l’exemple de deux autres pratiques pour libérer ces douleurs : le massage ou la planche à clous qui sont deux moments pour s’abandonner à la douleur ou « Forced mindfulness ».
Se réapproprier la douleur permet d’atteindre une autonomie personnelle. Pour lui, il est nécessaire de mieux se comprendre soi et ses réactions. C’est pourquoi il nous invite aussi à apprendre comment fonctionne notre corps, apprendre où se trouvent nos intestins, le fonctionnement de nos hormones, le sang, etc.
A-t-il vécu des états modifiés de conscience dans sa pratique ?
On peut atteindre des états modifiés de conscience avec la respiration. Alex nous explique que quand on ne respire plus, il n’y a plus assez d’oxygène dans le corps. Le corps doit optimiser quelles parties vont être oxygénées ou non. Le néo-cortex est très vite inhibé après cinq minutes de rétention, ou même d’hyperventilation.
Il nous explique aussi comment relâcher naturellement de la DMT depuis la glande pinéale (Johanne Cammarata nous en explique le rôle ici)
- Après une longue rétention, inspirer en contractant ses abdos et fessiers.
- Lever la langue contre le cerveau et les yeux au plafond.
- Conserver la respiration en haut et relâcher les muscles en bas.
Cet exercice de respiration permet une grande relaxation et d’accéder à un meilleur état de conscience. Mais nous en avons abordé d’autres dans certains épisodes du Podcast : les respirations diminuées avec Charlotte Dupinay ou bien les respirations holotropiques avec Thomas Bazin.
Alex mentionne ensuite le microdosing (DMT, MDMA, Magic Mushroom, LSD) qui permet lui aussi d’accéder à des états intéressants. Il nous invite à visionner l’enquête sur les psychédéliques dans un épisode du Huberman Lab avec le Dr Johnson. Puisqu’il s’agit d’une tendance actuelle, il est préférable de la connaître et de la comprendre !
Pour en savoir plus sur les expériences de microdosing et d’états modifiés de conscience, Dylan Rousselet nous partage ceux qu’il pratique.
Alex nous rappelle enfin que le cerveau n’est pas là pour nous rendre heureux, mais pour garder le corps en vie. Nos quêtes d’informations négatives affectent notre moral, mais pour notre cerveau, l’état de peur permet de survivre. C’est pour cette raison que si l’on cherche à accéder au bonheur, il peut être intéressant de se déconnecter du cerveau pour observer ce qui se passe. Nous terminons sur l’exemple des sociétés indigènes et invitons à revenir aux fondamentaux pour être plus heureux.