Le débat qui fait rage depuis des années est le suivant:
Doit-on ou non courber le dos quand on soulève des charges? Est-ce dangereux? Faut-il maintenir à tout prix une position neutre de la colonne vertébrale? Est-ce que cela réduit réellement le risque de blessure (lombalgie, hernies discales, lésions musculaires ou ligamentaires…)? Doit-on alors bannir entièrement les flexions de la colonne de nos entraînements?
Si tu as fait de la gymnastique ou de l’haltérophilie ou que tu t’intéresses à la préparation physique, il y a un exercice que tu as certainement vu très souvent et qui souvent l’exercice au cœur de ces questionnements: les Jefferson Curl.
Décriés par les uns, adulés par les autres, cet exercice qui ajoute de la charge sur la colonne vertébrale en flexion (parfois considérablement), est celui qu’on va analyser aujourd’hui pour tenter d’y voir plus clair sur l’intérêt des flexions de la colonne vertébral et d’apporter des éléments de réponses sur comment assouplir son dos et éviter au maximum les blessures.
Flexion vs Position Neutre de la colonne vertébrale: laquelle est la plus sécurisée?
De manière empirique
Jusqu’à présent, le consensus scientifique n’est toujours pas d’accord pour déterminer si les mouvements de flexion de la colonne vertébrale, et en particulier des lombaires, seraient à l’origine des douleurs et des blessures du dos.
Oui, je sais, ça peut choquer et certains vont me répéter les mots de leur coach préféré: “Tu ne devrais jamais courber le dos et toujours maintenir ta colonne en position neutre”.
Je suis partisan de cette approche d’un point de vue biomécanique, pour la plupart des exercices (haltérophilie, kettlebell, force athlétique…) et pour la plupart des gens.
Mais, comme on peut le voir chez des athlètes de haut niveau et même chez certains pratiquants loisirs qui arrivent à de belles performances au soulevé de terre par exemple, le dos un tout petit peu courbé (légère flexion des lombaires et du thorax) permet aussi de réaliser le mouvement sans dommage, ni blessure.
Alors, est-ce dû au fait que ces gens-là ont peut- être une plus grande flexion de hanche et donc qu’ils répartissent la charge de travail sur ces dernières, libérant un peu la colonne vertébrale?
Ou bien, que leurs corps tolère simplement mieux les stress (force de compression) exercées sur leur colonne vertébrale?
Ou encore qu’ils sont jeunes et ne se sont pas suffisamment pour que les dommages apparaissent?
Ou bien qu’ils mangent super proprement, qu’ils dorment bien, qu’ils s’hydratent bien, qu’ils ont une excellente conscience corporelle?
Ou encore que…
Bref, tu as compris qu’il y a déjà trop de paramètres à prendre en compte et qu’on ne peut pas déterminer l’influence de tel ou tel facteur sur la performance, la prévention des blessures et la longévité du dos d’un point de vue empirique.
Hmmm, première contradiction avec la sainte loi de la position neutre de la colonne vertébrale.
L’avis scientifique et biomécanique
Il y a ensuite l’argument des études scientifiques (in-vitro). Je les connais et il est vrai qu’elles ont une utilité. Cependant, elles n’apportent pas de réponses définitives à la question.
En effet, on a encore une fois des résultats qui vont dans les deux sens.
Tu as par exemple cette étude, qui montre que la fracture du plateau vertébral se passe à des charges comparables en position neutre et en flexion.
Mais également cette autre étude qui montre qu’une colonne fléchie est associée à une plus grande production de force quand il s’agit de soulever des charges.
Ou encore celle-ci qui montre que la flexion lombaire est un des éléments qui augmenterait le risque de lombalgies.
Ou enfin, certains biomécaniciens qui montrent cette fois-ci que la position neutre poserait plus de problème pour le cisaillement antérieur, quand on soulève des charges qu’avec le dos fléchi.
Si tu veux davantage de précisions sur ces études, je te renvoie à l’article de Kinefact sur Le grand débat sur la flexion lombaire.
De plus, il est impossible d’éviter les flexions vertébrales dans les gestes du quotidien et même si tu es un maître de la forme et de la biomécanique pendant tes entraînements, il suffit d’un faux mouvements, d’une flexion rapide ou brusque, ou de la répétition de tension dorsale (micro flexion) pendant des années pour pouvoir te blesser.
L’approche biomécanique et par le mouvement naturel (et le bon sens) me poussent à promouvoir la bonne tenue du corps en toute circonstance.
Cela passe par développer une plus grande conscience corporelle, une plus grande mobilité et renforcer son dos pour le rendre à toutes épreuves.
C’est donc pour ma part essayer, autant que faire se peut, de maintenir une position neutre de ma colonne vertébrale lors de mes séances de force, faire attention à ma posture quand je marche ou quand je m’assoie, sans trop obsédé là-dessus quand je fais des activités qui requiert des flexions à répétition ou des torsions brusques (arts martiaux, danse, volley-ball, golf, rugby…).
De mon côté, je me concentre sur le travail en amont et prépare mon corps du mieux possible pour évoluer et s’adapter au chaos de la vie sans trop de risques de cassure.
Comment lire les signaux de douleurs
Le dernier point sensible, c’est celui de la douleur qu’on ressent.
Malheureusement là non plus, pas de consensus établissant le lien entre les blessures, les dommages de la colonne et les douleurs.
Les dégâts qu’on peut infliger à sa colonne sont peu corrélés aux douleurs qu’on ressent.
Le sujet de la douleur est bien plus complexe qu’il n’y paraît. La plupart des gens associent à tort la sensation de douleur dans leur corps au dommage du corps.
C’est faux! La douleur est un signal d’alarme du corps et n’est pas nécessairement représentatif de dommages physiques.
Tu peux avoir des douleurs de dos chroniques et ne rien voir apparaître sur ton IRM. De la même manière, tu peux te sentir parfaitement bien dans ton corps avec aucune douleur de dos et pourtant présenter plusieurs lésions lors d’un IRM.
Les douleurs perçues peuvent être dues à énormément de facteurs autres (émotionnelles, psychologiques…) qui ne traduisent pas ton état de santé physique.
Le Dr. Stuart Mcgill qui, avec 30 ans de recherche et d’expérience dans l’étude et le traitement des douleurs lombaires, déconseille la flexion lombaire avec charge car il s’agit d’une cause connue et bien documentée de renflement et de dégénérescence du disque lombaire.
Ensuite, il y a la nouvelle école de physiothérapeutes qui croient qu’avec une mise en œuvre lente et graduée de la colonne vertébrale en flexion, [wpdiscuz-feedback id=”9vyrq3nfsk” question=”Tu en penses quoi, toi ?” opened=”1″]le corps serait capable de reconstruire le matériel endommagé dans le disque et finalement de construire une colonne vertébrale plus sûre.[/wpdiscuz-feedback]
Ton coach en mouvement approuve cette vision également 🙂
Comme toujours, l’expérimentation personnelle a aussi son rôle à jouer dans le traitement des douleurs de dos.
Ce qu’on sait de la physiologie humaine, c’est que le corps est conçu pour le mouvement et que le mouvement, qu’il a une capacité de guérison exceptionnelle si tenté qu’il est nourri de mouvement.
Donc flexion lombaire et position neutre ont leur place dans l’expression de notre physicalité.
Un entraînement adapté et qui couvre au maximum les possibilités techniques et expressives du corps et maintient sa longévité, est ce que je recherche de ma pratique physique.
Pour cet objectif, les Jefferson Curl sont un des exercices les plus pertinents, et on va passer la suite de l’article à voir ensemble pourquoi.
Qu’est-ce que le Jefferson Curl? Quelles sont les intentions de cet exercice à l’origine?
Le Jefferson Curl est un exercice de mobilité pondérée (avec des charges externes) qui met l’accent sur la flexion multisegmentaire de la colonne vertébrale.
On fléchit la colonne vertébrale vertèbre après vertèbre.
Conçu à l’origine pour être un exercice d’étirement fantastique de toute la chaîne postérieure et des muscles du bas du dos, le Jefferson Curl se voulait être utilisé uniquement avec des charges très faibles.
L’idée derrière le mouvement est d’augmenter la résilience de la colonne vertébrale à la flexion. Développer une colonne vertébrale plus souple et plus forte. En plus d’être un excellent outil pour détendre le dos de toute hyperextension.
C’est également un exercice de mobilité articulaire fantastique pour développer une plus grande amplitude de mouvement si tu es très raide du dos.
Typiquement c’est un des ces exercices simples et efficaces pour pouvoir être capable de toucher ses pieds avec ses mains ou même poser les mains à plat au sol, sans plier les jambes.
Une fois cette amplitude de mouvement déverrouillée, et que tu es à l’aise avec les flexions segmentées, tu vas réaliser ce mouvement en mettant de plus en plus de charges et ainsi renforcer tous les muscles qui entourent ta colonne vertébrale.
Tu obtiens donc un meilleur gainage et plus de contrôle corporel.
Encore une fois, il est important d’agir avec précaution quand il s’agit d’essayer des exercices de mobilité avec des charges.
Pour progresser sans se blesser, il est important de commencer à son niveau (peut-être simplement au poids de corps au début) puis augmenter progressivement la charge de travail, de manière incrémentale sans vouloir brûler les étapes.
Comme toujours, attention à l’ego et à la comparaison avec les supers athlètes ou stupides influenceurs des réseaux sociaux haha (je taquine).
N’oublie pas qu’il s’agit d’un exercice très ciblé sur ta colonne vertébrale et que celle-ci est la clé de ta longévité.
Il n’ y à rien de pire et de plus handicapant qu’une blessure au dos alors attention à ne pas plonger tête baissée dans cet exercice.
Pour ne jamais avoir mal au dos, il faut traiter cette dernière avec douceur et en conscience.
Je te donne mes recommandations plus bas dans cet article.
Comment réaliser les Jefferson Curl correctement? Les erreurs à éviter absolument.
Avant de commencer, je vais de nouveau te donner mes recommandations si c’est la première fois que tu réalises ce mouvement:
Il est impératif qu’au début, cet exercice soit effectué avec des poids très légers ou peut-être sans poids du tout et absolument sans douleur.
Si tu ressens la moindre douleur de dos, blocage, limitation, restriction… prend le temps, au préalable, d’évaluer ton niveau de mobilité, de développer une plus grande amplitude de mouvement, de réduire ou retirer totalement les douleurs et les blocages de dos que tu peux avoir.
Ne pas prendre ton entraînement à la mobilité comme un entraînement de force ou de préparation physique.
La progression peut varier d’un individu à l’autre dépendant de ton niveau de mobilité, de force, de pratqiue physique, de tes antécédents de blessures, de ton âge, ton poids, ton sexe…
Comme toujours, patience est mère de sûreté.
Pas besoin de chercher la performance maximale ou de soulever le plus lourd possible. Ce n’est PAS LE BUT!
La technique
- Tu as besoin d’une surface stable et surélevée comme une boîte ou un banc. Avec une barre, un kettlebell ou un autre poids dans les mains, tenez-vous droit, les jambes droites, tendus et les pieds parfaitement jointes.
- Commence le mouvement en rentrant le menton dans ta poitrine, puis en arrondissant lentement le dos une vertèbre à la fois. Imagine rouler une vertèbre à la fois comme un collier de perles.
- Continue à descendre en t’assurant de ne pas te pencher en arrière.
Se pencher en arrière avec les hanches réduira l’étirement, car cela contrebalancera le poids. - Plier chaque vertèbre lentement et en contrôle.
Le tempo lent est primordiale pour développer la conscience corporelle, sentir chaque segment (cervicales, thorax, lombaires) et améliorer ton amplitude de mouvement. Bouger vite te fait esquiver totalement le travail. - Une fois en bas du mouvement, toute ta colonne vertébrale doit former une courbe uniforme.
Essaies d’aller aussi bas que possible tout en gardant les jambes verrouillées et parfaitement droites. - Ne fais pas d’à-coups une fois en bas du mouvement au risque de te blesser.
Si une fois à la fin du mouvement, tu n’es toujours pas capable de toucher le sol, ce n’est pas grave. Le but n’est pas de toucher le sol ou de le dépasser dès le premier jour mais progressivement de gagner en amplitude de mouvement et d’étirer la colonne. - N’oublie pas de maintenir une respiration calme, nasale, tout au long du mouvement.
- Garde les bras détendus, les coudes bloqués en extension complète, et laisse tes épaules tomber sous l’effet de la gravité. Cela t’aidera également à ressentir un étirement dans le haut et le milieu du dos (ceinture scapulaire et thorax).
- À partir de la position tout en bas, inverser simplement le mouvement, en articulant la colonne vertébrale une vertèbre à la fois. Donc dans le sens inverse en commençant par le bas du dos (lombaires), le milieu du dos (thorax), puis le haut du dos (cervicales).
- Termine en décollant le menton de votre poitrine et en retrouvant la position de départ avec le regard à l’horizon. Pas besoin de passer en extension, arrête toi simplement une fois que tu es debout et droit.
Comment savoir si tu fais correctement les Jefferson Curl?
Voici les plus grosses erreurs que je vois régulièrement.
- Tu commences par plier les hanches en premier.
En faisant ça, tu réalises un des mouvements fondamentaux: le Hip Hinge, tu plies à la charnière de hanche, ce qui va entraîner une flexion des lombaires en premier, et généralement l’absence de flexion du thorax ou des lombaires. C’est ce que tu vois la plupart des gens faire quand ils essaient de ramasser un objet du sol, ils se plient à la hanche.
- Tu maintiens la position basse trop longtemps.
Pas besoin de rester 10 minutes en bas en espérant accélérer le gain d’amplitude de mouvement. C’est tout le contraire qui se passe lorsque tu maintiens les positions longtemps. En effet, tu navigues à la limite de ton amplitude de mouvement trop brusquement et ton corps va envoyer un message à ton cerveau lui indiquant que cette zone est dangereuse et ton cerveau va chercher à te protéger encore plus et donc va t’empêcher d’aller plus bas. Donc, bouge en permanence. - Tu mets trop de poids, trop vite.
Encore une fois, l’éternel retour de l’égo. N’oublie pas l’objectif ici, ce n’est pas de gagner en force. Le renforcement des muscles dorsaux est un effet de la réalisation parfaite du mouvement avec le poids adapté à ton niveau et tes capacités actuelles. Une légère gène est acceptable mais une douleur et des tremblements ne le sont pas du tout. - Tu plies les jambes.
N’oublie pas que les Jefferson Curl sont également un exercice d’étirement de toute ta chaîne postérieure. Si en descendant, tu commences à trembler des jambes et avoir des douleurs te forçant à vouloir plier les genoux, relie le point (3) et enlève du poids. Ça ne marche que si les jambes sont parfaitement tendus du début à la fin. C’est non négociable.
Est-ce que tu devrais ajouter les Jefferson Curl à ton programme d’entraînement?
Je te donne mon avis personnel sur la question ayant expérimenté avec ce mouvement ces 5 dernières années sur moi-même et mes élèves. C’est également un des exercices que j’utilise dans ma formation MOBILITÉ GRATUITE et ma formation pour retirer les douleurs au dos JAMAIS MAL AU DOS.
Si tu veux une colonne vertébrale en bonne santé, la flexion est inévitable.
Comme on l’a vu précédemment, tu ne vas pas pouvoir éviter de fléchir la colonne. Que ce soit dans ton sport ou dans les gestes du quotidien, il est important de préparer ton corps aux exigences du réel.
Cela signifie que pour tout le monde, je recommande les Jefferson Curl au poids de corps.
En effet, si tu es un athlète en bonne santé, tu ne devrais pas avoir peur des Jefferson Curls avec des charges. Ça peut être un excellent atout pour la prévention de blessure et l’amélioration des performances athlétiques grâce à l’amplitude de mouvement et le renforcement des muscles du dos.
Est-ce que je recommande à tout le monde de faire ces mouvements avec des charges ?
Non.
En effet, il y a trop de paramètres sur le niveau de mobilité, de force, de contrôle corporel, de conscience du corps… pour que j’ose donner ce genre de recommandation au grand public.
J’ai expérimenté mon lot de cas particulier et de forme particulière de bassin, d’antécédents d’opérations chirurgicales, de gros manque de flexibilité ou de mobilité de hanche, de jambe trop courte… Bref, tu imagines tous les cas possibles qui vont pouvoir rendre difficile d’accès les Jefferson Curl avec charges.
L’idée de cet article est de présenter un mouvement simple et accessible à tous, réhabiliter l’importance des flexions vertébrales et essayer d’ôter le plus de doutes et de craintes possibles quand à bouger son dos plus librement.
Encore une fois, je souhaite aider le plus de gens à atteindre une plus grande autonomie physique. Je ne cherche pas à vous transformer en athlètes contorsionnistes gymnastes haltérophile…
Prends ce qui est utile à ton niveau, essaie d’utiliser les fonctions naturelles de ton corps sans crainte, reprend petit à petit confiance en ton corps et ses capacités.
On est pas aussi fragile qu’on ne le pense.
Bougeons mieux et en conscience les mouvers !
Coach Slim
2 comments
ABDELKADER GAALICHE
Salut Slim Article très intéressant et très instructif.Je n’ai jamais vu personne faire cet exercice dans la salle de musculation ou j’exerce.Grand merci coach
Slim
Merci pour ce super retour Abdelkader.
Je continue de partager encore ces exercices méconnus et inviter à explorer des nouveaux mouvements.
Si jamais tu en as un en tête, n’hésite pas à me le recommander.
Coach Slim